PAX KANAMBIENNE ?
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Après quelques mois de répit, l’insécurité a à nouveau fortement augmenté au Sud-Kivu, provoquant d’autres déplacements de populations. A l’approche des élections, les organisations de la société civile s’en inquiètent.
Trente personnes kidnappées contre rançon, des dizaines de femmes violées et de nombreux biens pillés, c’est le bilan d’une attaque perpétrée début août dans le groupement Ikama-Kasanza, en territoire de Shabunda, à plus de 300 km à l’ouest de Bukavu, le chef-lieu du Sud-Kivu. Cette attaque, attribuée à de présumés éléments des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), est un des nombreux indicateurs de la brusque recrudescence de l’insécurité dans la province. Depuis environ un mois, assassinats, viols, enlèvements, pillages et parfois incendies de villages se multiplient dans six des huit territoires ruraux du Sud-Kivu.
Dans de nombreux cas, ce sont des FDLR, traqués depuis deux ans par l’armée gouvernementale, qui sont cités par les organisations de la société civile comme étant les auteurs de ces actes. Certains groupes armés nationaux sont également pointés du doigt. Dans le territoire de Fizi, ce sont des Maï-Maï qui viennent d’enlever l’administrateur adjoint du territoire pour saboter les institutions étatiques. Dans d’autres cas, on attribue les attaques « à des hommes armés et en tenue militaire », surnommés « NAI », « Non autrement identifiés ».
« Cette recrudescence de l’insécurité dans l’arrière-province peut s’expliquer par le fait que certains de nos éléments ont quitté leurs positions pour des regroupements et formations dans le cadre de la réforme de l’armée. L’ennemi en profite… », estime un commandant des Forces armées de la RD Congo (FARDC), cité par Radio Okapi. Depuis près d’un trimestre, l’armée a, en effet, lancé la formation des régiments militaires après plus d’un an d’opérations militaires qui avaient fait sensiblement diminuer les attaques des groupes armés dans plusieurs zones jadis régulièrement ciblées.
A Bukavu, les radios rapportent aussi régulièrement le matin des attaques nocturnes et des assassinats dans des résidences privées.
Comment voter dans l’insécurité ?
« Dans trois mois, nous devons élire le président de la République et les députés nationaux, mais on ne sait pas comment on va le faire si l’insécurité persiste », s’inquiète Gaston Manga, président de la Société civile du lointain territoire de Shabunda où des villageois se sont inscrits sur les listes électorales malgré tout. Ces attaques entraînent, en effet, des déplacements forcés de populations. Dans son rapport de juillet, le Bureau onusien de coordination des affaires humanitaires (Ocha Sud-Kivu), indique que plus de 500 000 personnes sont actuellement déplacées à cause de l’insécurité. Les zones les plus touchées sont Shabunda, Mwenga, Fizi et Kalehe. Ocha s’interroge sur les possibilités d’accès des humanitaires dans certaines zones si la situation perdure. « Comment les gens vont-ils choisir leurs dirigeants dans de telles conditions ? Il faut que l’Etat prenne les choses en mains, sinon on croira que nos populations sont sacrifiées », plaide Descartes Mponge, vice-président de la Société civile du Sud-Kivu.
La Céni est, elle aussi, préoccupée et s’en remet aux instances supérieures. « Nous sommes un organe technique. Nous présentons la situation dans les réunions régulières avec le gouvernement provincial et la Monusco », a expliqué Eugène Birinjira, secrétaire exécutif provincial de cette Commission, au cours d’un point de presse. « C’est tout ce que nous pouvons faire à notre niveau. Aux autres organes de passer à l’action », a-t-il conclu. Ces dernières semaines, l’armée a commencé à se redéployer dans des sites où des attaques avaient été enregistrées.
« Il faut des efforts conjoints »
Au cours d’une table ronde organisée par la Société civile, le gouverneur de la province, Marcellin Cishambo, a indiqué que l’insécurité ne concernait pas seulement l’armée. Selon lui, certains civils congolais servent d’éclaireurs aux groupes qui organisent les attaques contre la population. Cette pratique, qui n’est pas nouvelle, serait perpétrée par de jeunes brigands assoiffés d’argent. « Des fauteurs de troubles sont guidés par des jeunes de nos villages ou de nos quartiers. Nous devons tous dénoncer ces hors-la-loi », a-t-il demandé d’un ton ferme.
La Société civile reconnaît ces agissements et promet des actions de dénonciation si rien ne change. « Il faut des efforts conjoints, mais il revient d’abord à l’Etat de proposer des solutions urgentes et rapides. S’il ne fait rien, nous pouvons même le traduire en justice auprès des instances internationales pour non assistance à personnes en danger », conclut Descartes Mponge.
Pour dénoncer cette insécurité croissante, la Fédération des entreprises du Congo a déjà fermé dernièrement les dépôts et magasins de Bukavu durant trois jours après l’assassinat d’un de ses membres, Patrick Mburhiro du magasin City 2, à son domicile, en plein centre-ville.
Yves Polepole




