Joseph Kabila brise le silence : Un requisitoire enflammé, entre victimisme, pathos et vitriol ( Tribune de Diomi Ndongala, PN de la Démocratie Chrétienne )

Le 23 mai 2025, Joseph Kabila, ancien président de la République démocratique du Congo, a surgi de six années d’ombre pour livrer un discours aussi théâtral que polémique. Face à un pays en proie à l’instabilité, il s’est drapé dans le rôle de la victime outragée, fustigeant le régime de Félix Tshisekedi avec une virulence rare, tout en polissant son propre passé jusqu’à en faire un miroir éclatant de perfection. Entre plaintes personnelles et attaques au vitriol, Kabila réinvente l’histoire, transformant son règne en âge d’or et l’ère actuelle en descente aux enfers.
Un martyr face aux « provocations »
Dès les premiers mots, Kabila se pose en martyr silencieux. « J’ai enduré six ans de provocations, d’humiliations, d’atteintes à ma dignité », clame-t-il, la voix chargée d’une gravité étudiée. Ce silence, qu’il décrit comme un sacrifice patriotique, aurait été brisé par une urgence nationale : « Rester muet m’aurait rendu complice de la chute de 100 millions de Congolais. » Une posture qui le dépeint comme un homme accablé par le destin, contraint de reprendre la parole pour sauver son peuple.
Un passé idéalisé, un présent diabolisé
Dans un exercice de révisionnisme assumé, Kabila brosse un portrait idyllique de son mandat. En 2019, dit-il, il aurait laissé un Congo « réunifié, pacifié », doté d’une « économie dynamique » et d’une armée « en voie de professionnalisation ». Une vision qui élude les élections controversées de 2006 à 2018, la répression des opposants et les accusations de corruption qui ont marqué ses 18 années au pouvoir. Pour lui, tout allait pour le mieux jusqu’à ce que Tshisekedi ne vienne « dilapider » cet héritage. À l’inverse, il dépeint le régime actuel comme une catastrophe absolue.
« Dictature », « tyrannie », « espace de non-droit » : les mots claquent comme des coups de fouet. Il accuse Tshisekedi de violations constitutionnelles, d’une gestion économique désastreuse – inflation galopante, corruption endémique et d’un chaos sécuritaire où « milices tribales » et « mercenaires » auraient remplacé une armée nationale autrefois respectable. Le massacre de Makala en 2024 ? Un « crime contre l’humanité » imputé à un « terrorisme d’État ». Pourtant, les violences dans l’Est, omniprésentes sous son propre règne, semblent opportunément oubliées dans ce récit manichéen. Sans oublier l’ attaque de la même prison de Makala, en juin 2017, pendant son régime, qui provoqua la mort de milliers de prisonniers et la fuite de milliers, sans que la mission mise en place pour élucider les évènements ne donne jamais un rapport final. Il semble que son objectif était l’ élimination des nombreux prisonniers politiques embastillés…Mais, cet épisode, il l’a oublié…
Critiques tous azimuts : un requisitoire sans nuance
Kabila ne s’arrête pas là. Il étrille une jeunesse « désabusée », un peuple plongé dans « l’angoisse existentielle », victime de famine et d’exode rural. Le régime de Tshisekedi, selon lui, a transformé un pays en plein essor en une nation « suscitant la pitié du monde ». Chaque phrase est un uppercut, chaque accusation un peu plus lourde, comme si le Congo n’avait jamais connu de crise avant 2019. Comme oublier les massacres de l’aéroport de Ndjili le 28 novembre 2011 et les marches des chrétiens abattus sans ménagement par les forces armées de l’époque, sous son commandement. Cette charge brutale, sans concession, trahit un désir de régler des comptes autant que de rallier les mécontents.
Le sauveur autoproclamé
Face à ce désastre qu’il dénonce, Kabila se rêve en rédempteur. Il propose un « pacte citoyen » en 12 points – fin de la dictature, paix, démocratie, développement – mais reste flou sur les détails. « Appelé par le destin », il se dit prêt à « refonder l’État » avec tous les Congolais. Une ambition qui sonne comme une candidature implicite à un retour au pouvoir, drapée dans un appel vibrant à l’unité nationale : « Comme en 1960, nous pouvons vaincre les démons de la division. »
Un discours clivant sous des airs d’unité
Ce retour en force, s’il exploite habilement les frustrations d’une population épuisée, repose sur un équilibre fragile. En se posant en victime, Kabila cherche la sympathie ; en attaquant sans retenue, il polarise ; en réécrivant l’histoire, il s’expose aux contradictions.
Son Congo parfait d’hier contraste avec les mémoires d’un peuple qui n’a pas oublié les troubles de son époque. Et si son cri de ralliement trouve un écho, il pourrait aussi raviver les divisions qu’il prétend vouloir panser.
En somme, Joseph Kabila signe ici une réapparition calculée, mêlant pathos et vitriol. Reste à voir si ce mélange de victimisme, de critiques acerbes et de nostalgie réinventée suffira à lui redonner une stature politique, ou s’il ne fera que rappeler pourquoi il avait, un temps, choisi le silence.
Les 12 points de Kabila : un plan ambitieux ou une liste de vœux pieux ?
Joseph Kabila, ancien président de la RDC, veut revenir sur le devant de la scène avec un « pacte citoyen » en 12 points, présenté comme une SOLUTION MIRACLE POUR sortir le pays du chaos. Démocratie, paix, souveraineté : les mots sont beaux, mais derrière ces promesses, le flou domine et les contradictions avec son propre passé sautent aux yeux. Décryptage sans concessions.
1. Mettre fin à la dictature, mieux à la tyrannie. Kabila, qui a dirigé la RDC d’une main de fer pendant 18 ans, retardant les élections et réprimant les opposants ( en faisant plus de 700 prisonniers politiques, dont des nombreux députés nationaux), veut maintenant terrasser la « tyrannie ». L’ironie est mordante. Sa légitimité à jouer les défenseurs de la démocratie s’effrite face à son bilan. Et comment s’y prendrait-il ? Une révolution ? Un scrutin transparent ? Rien n’est dit. Une promesse qui sonne creux.
2. Arrêter la guerre
Qui ne voudrait pas la paix ? Mais sous Kabila, les conflits à l’Est – Kivu, Ituri – ont continué de gangréner le pays, malgré une armée pléthorique et des budgets engloutis. Quelle est sa recette magique aujourd’hui ? Négociations, offensive militaire, miracle divin ? Le silence est assourdissant.
3. Rétablir l’autorité de l’État sur tout le territoire.Un vœu noble, mais utopique sous son règne, où des régions entières échappaient au contrôle de Kinshasa. Sa stratégie sécuritaire, mêlant inaction et alliances douteuses avec des milices, a échoué. Comment réussira-t-il demain ce qu’il n’a pas su faire hier ? Mystère total.
4. Restaurer la démocratie et l’État de droit
Kabila, accusé d’avoir manipulé la CENI et la Cour constitutionnelle pour se cramponner au pouvoir, prône maintenant l’État de droit. Audacieux, presque provocateur. Mais où sont les réformes concrètes ? Une justice indépendante ? Une commission électorale crédible ? Le vide est roi.
5. Garantir les libertés fondamentales
Sous son mandat, les opposants croupissaient en prison, les journalistes étaient bâillonnés. Aujourd’hui, il promet la liberté. Un virage à 180 degrés qui sent l’opportunisme. Quelles garanties offre-t-il pour que l’arbitraire ne revienne pas au galop ? Aucune piste sérieuse.
6. Réconcilier les Congolais et reconstruire la cohésion nationale.
Lui, l’homme du Katanga, souvent critiqué pour avoir favorisé son fief au détriment du reste du pays, veut unir les Congolais. Les divisions ethniques et régionales se sont creusées sous sa présidence. Sa solution pour panser ces plaies ? Inconnue. Sans autocritique, son appel sonne faux.
7. Relancer le développement via une bonne gouvernance économique.
La corruption était un sport national sous Kabila, malgré des ressources minières colossales. Il promet une gestion « saine », mais avec quels outils ? Une task force anti-corruption ? Une transparence budgétaire ? Rien. Juste des mots, pas de plan.
8. Dialoguer avec les pays voisins pour la paix régionale.
Kabila, dont les relations avec le Rwanda et l’Ouganda ont été marquées par des soupçons de compromission, veut jouer les diplomates. Ces voisins, accusés de soutenir des groupes armés en RDC, n’ont jamais plié sous son mandat. Quelle nouvelle carte sortira-t-il de sa manche ? On attend encore.
9. Rétablir la crédibilité internationale de la RDC.Isolée sous son règne pour fraudes électorales et violations des droits humains, la RDC a perdu des plumes sur la scène mondiale. Kabila veut redorer son blason, mais comment ? Sans réformes profondes ni mea culpa, cette ambition reste un mirage.
10. Neutraliser les groupes armés et rapatrier les combattants étrangers
Les programmes DDR (désarmement, démobilisation, réintégration) ont été des flops retentissants sous sa présidence, et certains ex-rebelles intégrés dans l’armée ont repris les armes. Quelle stratégie inédite propose-t-il ? Le brouillard persiste.
11. Mettre fin au recours aux mercenaires.
Kabila, qui a lui-même fait appel à des conseillers militaires étrangers, dénonce aujourd’hui cette pratique en invoquant les conventions internationales. Une posture moralisatrice bien pratique. Mais comment s’assurer que cela tienne ? Pas l’ombre d’une réponse.
12. Exiger le retrait des troupes étrangères
Avec la MONUSCO présente sous son mandat – avec son aval –, Kabila surfe désormais sur la fibre nationaliste. Le retrait est déjà en cours, mais quid du vide sécuritaire qui suivra ? Sa vision reste désespérément floue.
Un catalogue de bonnes intentions, sans mode d’emploi.
Ces 12 points tapent juste sur les maux du congo : guerre, corruption, division.
Mais sans détails, sans plan d’action, ils ne sont qu’une litanie de vœux pieux.
Pire, le passif de Kabila – autoritarisme, mauvaise gestion, impuissance face aux crises – plombe sa crédibilité.
Ce « pacte citoyen » pourrait séduire les frustrés, mais sans substance, il risque de rejoindre la longue liste des promesses non tenues qui hantent la politique congolaise.
Résistant congolais.




