RAPPORT DES EXPERTS DE L’ONU SUR LA RDC: Rwanda et M23, un Tandem Dévastateur Pillant la RDC
Dans son dernier rapport, enfin publié en intégralité, le S/2025/446, le Groupe d’experts de l’ONU sur la République démocratique du Congo met à nu une crise humanitaire et militaire qui déchire l’est du pays, propulsée par l’ingérence du Rwanda et les exactions des rebelles du M23.
Ces documents, mandatés par la résolution 1533 du Conseil de sécurité, sont des boussoles cruciales : ils exposent les violations des droits humains, les réseaux criminels transfrontaliers et les pillages économiques qui alimentent un conflit menaçant de devenir une guerre régionale.
Avec des preuves accablantes – photos, vidéos, témoignages, données géologiques –, le rapport appelle à des sanctions renforcées, des négociations urgentes et une mobilisation internationale pour sauver des millions de civils pris dans l’étau de la violence. Une spirale de chaos dans l’Est congolais Le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et l’Ituri s’enfoncent dans un cauchemar. Les rebelles du M23, soutenus par Kigali, ont mis la main sur des villes clés comme Goma (janvier 2025) et Bukavu (février 2025), semant la terreur. Des milliers de morts, des centaines de milliers de déplacés fuyant vers le Burundi, des hôpitaux pillés – comme l’enlèvement de 130 patients blessés à Goma en mars 2025 – et 309 cas de violations des droits humains recensés rien qu’en janvier, touchant 808 victimes.
Exécutions sommaires, viols, recrutements d’enfants soldats : ces actes, qualifiés de potentiels crimes de guerre, dressent un tableau macabre.
Les forces congolaises (FARDC), en s’alliant à des milices ethniques comme les Wazalendo ou les APCLS, jettent de l’huile sur le feu, ciblant les communautés tutsies perçues comme pro-M23 dans une escalade de haines ethniques marquée par des meurtres et des pillages de bétail. Pendant ce temps, la mission de l’ONU (MONUSCO), en plein retrait, laisse un vide sécuritaire béant, tandis que l’Ouganda, sans mandat, double ses troupes sur le sol congolais, faisant craindre une guerre multinationale. Face à une crise alimentaire et sanitaire galopante, le HCR réclame 40,4 millions de dollars pour éviter une catastrophe humanitaire.
Rwanda : le marionnettiste du M23
Le rapport pointe un doigt accusateur sur le Rwanda, qualifiant son emprise sur le M23 de « contrôle de facto ». Entre 3 000 et 4 000 soldats rwandais opèrent en RDC, orchestrant des offensives comme la prise de Goma. Kigali forme les rebelles – 3 000 recrues diplômées en septembre-octobre 2024 sous l’œil de Sultani Makenga, chef du M23 et ex-combattant rwandais – et fournit des armes high-tech, dont des systèmes anti-aériens repérés dans les zones rebelles. Selon le rapport, Paul Kagame en personne aurait ordonné la capture de Goma et Bukavu, motivé par la lutte contre les milices hutu FDLR et le contrôle des richesses minières. Le Rwanda nie en bloc, criant à la « guerre informationnelle », mais les preuves – drones, vidéos, témoignages – sont implacables. Cette ingérence attise les tensions régionales : l’assassinat du gouverneur du Nord-Kivu en 2024, accusé de liens avec les FDLR, et les pertes de troupes sud-africaines de la SADC, perçues comme une « déclaration de guerre », font monter la pression.
M23 : une machine de guerre expansionniste
Depuis 2022, le M23, rébellion tutsie formée pour défendre ses intérêts ethniques, a triplé son territoire, conquis Bunagana, Goma et Bukavu, et menace désormais Kinshasa. Avec plus de 3 000 combattants, le groupe mène des opérations conjointes avec l’armée rwandaise, comme la prise de la base de Rumangabo en 2022. Ses exactions – recrutements d’enfants, exécutions, violences sexuelles – et son administration parallèle illégitime dans les zones occupées sont dénoncées.
Le M23 s’appuie sur un passé de rébellions tutsies, avec des figures comme Makenga, lié à Kagame depuis les années 1990, et profite du soutien logistique rwandais pour piller les richesses congolaises.
Le pillage des ressources : le nerf de la guerre
Le M23 et le Rwanda orchestrent un pillage systématique des minerais congolais, carburant du conflit. À Rubaya, plus grand gisement de coltan mondial (15 % de la production), les rebelles imposent des taxes rapportant 800 000 dollars mensuels, réorganisant les filières pour leurs alliés. Le Rwanda sécurise ces zones avec des drones et des systèmes de brouillage, smugglant coltan, or et minerais 3T (étain, tantale, tungstène) à une échelle « sans précédent ». Ces ressources, mélangées à la production rwandaise, alimentent les marchés mondiaux via des firmes comme Boss Mining Solution Limited. Kigali déclare 8 000 à 9 000 tonnes de minerais par an, mais des études géologiques et l’ITSCI révèlent une fraude massive, les minerais congolais transitant par des routes construites par le M23, comme à Bunagana.
En 2024, l’or illicite d’Ituri a généré 140 millions de dollars, privant la RDC de ses richesses tout en renforçant l’ambition rwandaise de devenir un hub régional. Ce trafic s’accompagne de violences dans les zones minières, mais le rapport met en garde contre une vision réductrice des « minerais de conflit », soulignant les racines géopolitiques et historiques. Il exige des sanctions, notamment la suspension du pacte UE-Rwanda sur les minerais, et une traçabilité renforcée via l’OCDE et la CIRGL.
Collusions internes : Kabila, Katumbi et les ombres de la trahison
Le rapport dévoile un réseau de complicités impliquant l’Ouganda, qui fournit armes et refuge aux leaders du M23, et des acteurs congolais. L’ex-président Joseph Kabila est dans le viseur : accusé par Jean-Pierre Bemba en mars 2025 de soutenir le M23 et l’AFC, il est visé par des raids dans le Haut-Katanga pour des liens présumés avec des coups d’État avortés. Des milices comme Twirwaneho, RED-Tabara et des leaders ethniques comme Janvier Karairi (APCLS), malgré leurs discours anti-tutsis, sont connectées via des réseaux miniers. Des officiers FARDC et des villageois tutsis soupçonnés de collusion sont arrêtés, tandis que des figures historiques comme Guidon Mwisa (PARECO) ont alimenté ces réseaux. Plus troublant encore, des opposants comme Kabila et Moïse Katumbi entretiennent des contacts réguliers avec le M23/AFC, Kigali et Kampala, via des intermédiaires comme Corneille Nangaa et John Numbi, pour fédérer groupes armés et acteurs politiques dans le Nord et Sud-Kivu, où des ex-milices gouvernementales ont rejoint les rebelles. Ces liens ravivent les fractures internes du M23, entre factions pro-rwandaises et pro-ougandaises, notamment après le retour controversé de Kabila à Goma en avril 2025, perçu comme une tentative de contrôler la rébellion.
Politiquement, une alliance d’opposition (Kabila, Katumbi, etc.) pousse pour un dialogue national, dénonçant la mauvaise gouvernance, mais ces connexions compliquent la diplomatie régionale. Judiciairement, Kabila risque des poursuites pour haute trahison, polarisant un paysage politique déjà fragilisé.
Un appel à l’action face à l’urgence Le rapport S/2025/446 martèle qu’une solution militaire est vouée à l’échec. Il exhorte à des négociations via Luanda, Nairobi ou Washington, des sanctions contre le Rwanda et une responsabilisation des acteurs internes, tout en mettant en garde contre une guerre régionale rappelant la Deuxième Guerre du Congo. Les mécanismes africains (SADC, EAC) doivent être renforcés pour briser ce cycle de violence aux racines ethniques, économiques et géopolitiques, avant que l’est de la RDC ne sombre davantage dans l’abîme.
Pour éviter une régionalisation du conflit, comparable à la Deuxième Guerre du Congo, le rapport plaide pour une coordination accrue du Comité des sanctions du Conseil de sécurité pour cibler les réseaux transfrontaliers impliquant le Rwanda et l’Ouganda.
Ces mesures incluent des gels d’avoirs et des restrictions de déplacement pour dissuader les acteurs internes de légitimer ou de financer la rébellion.
Eugène Diomi Ndongala
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