TSHISEKEDI A L’EPREUVE DE LA CONSOLIDATION: LA PURGE PARLEMENTAIRE 2025, MIROIR DE CELLE DE 2020
Beaucoup de congolais sont perplexes par rapport au tournant politique actuel, leur manquant une lecture techniquement avisée des évènements. D’autres se limitent à des interprétations qui se concentrent sur les sentiments personnels et/ou aux guerres des égos…
Le fil d’Ariane est bien plus subtil !
En tant que politologue de formation, je vous donne mon interprétation qui répond à la question suivante:
où allons-nous, politiquement?
2025 MIROIR ET FINALISATION DE 2020
En République Démocratique du Congo, les turbulences institutionnelles de septembre 2025 – marquées par la restructuration de l’Union sacrée de la Nation (USN), les pétitions de destitution au bureau de l’Assemblée nationale et au Sénat – évoquent irrésistiblement les manœuvres de consolidation du pouvoir orchestrées par Félix Tshisekedi en 2020.
À l’époque, au faîte d’une crise de coalition avec le Front commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila, Tshisekedi avait initié une purge législative méthodique, brisant la cohabitation post-électorale imposée par les résultats de 2018. Le 10 décembre 2020, l’Assemblée nationale, encore aux mains des kabilistes, votait la destitution de sa présidente Jeanine Mabunda et son bureau, ouvrant la voie à l’élection d’un nouveau bureau, en février 2021.
Au Sénat, des démissions en cascade suivaient en février, facilitant l’alignement des deux chambres sur la présidence. Cette rupture stratégique, annoncée le 6 décembre, visait à « libérer » les institutions d’une influence paralysante, neutralisant les blocages sur la justice transitionnelle, la gouvernance sécuritaire et la redistribution des ressources économiques.
Aujourd’hui, à mi-mandat présidentiel, la manœuvre se reproduit sous une forme affinée, non plus contre des adversaires historiques mais contre des alliés opportunistes soupçonnés de dissidence latente.
Le 15 septembre 2025, jour de la rentrée parlementaire, des pétitions ont été déposées simultanément pour destituer Vital Kamerhe, président de l’Assemblée nationale, et Jean-Michel Sama Lukonde, président du Sénat – deux figures jadis pivot de la coalition FCC-CACH, recyclées dans l’orbite tshisekédiste après 2018.
Soutenues par une frange majoritaire de l’UDPS et de l’USN, ces initiatives exploitent les failles internes de la majorité présidentielle pour un renouvellement « endogène », sans recours à une dissolution du parlement.
Contre Kamerhe, les griefs portent sur des manquements présumés à la gestion parlementaire, avec 262 signatures collectées – largement au-delà du seuil requis pour une motion recevable. Le document a été officiellement réceptionné le 16 septembre et son examen en plénière est programmé pour ce 17 septembre. Au Sénat, les accusations miroirs contre Lukonde – incompétence alléguée et opacité budgétaire – visent un alignement symétrique de deux chambres.
Cette offensive s’inscrit dans une restructuration plus large de l’appareil politique, initiée dès mars 2025 avec l’élargissement du présidium de l’USN de 6 à 40 membres (dont une bonne partie issus des forces extra-parlementaires), et concrétisée par le congrès du 30 août adoptant une nouvelle charte et un règlement intérieur.
Ce remaniement, couplé à un gouvernement Suminwa II annoncé en août – conservant, pour le moment, Judith Suminwa comme Première ministre tout en intégrant des opposants, élargit provisoirement la base de soutien, tout en testant les loyautés. Il va au delà de la « nouvelle majorité » forgée en 2020 pour contourner le FCC, transformant l’USN d’une coalition électorale fragile en un monolithe institutionnel, ouvert à des personnalités de l’opposition et de la société civile pour diluer les critiques et légitimer les réformes.
Politiquement, ces ajustements préparent un terrain fertile pour des initiatives structurantes, à l’horizon d’une année 2025 marquée par des pressions sécuritaires et économiques.
Un dialogue national, convoqué sous l’égide présidentielle, pourrait déboucher sur une révision constitutionnelle ciblée ou bien plus…
L’éviction potentielle de Kamerhe, perçu comme ambigu sur ce front mais aussi sur celui de la guerre, rappellerait la neutralisation des blocages kabilistes en 2020-2021, facilitant un vote loyal au sein d’une Assemblée dominée à 90 % par la majorité. Parallèlement, l’unification institutionnelle renforce la réponse à la guerre de l’Est, impliquant le M23 et les ingérences rwandaises, avec des médiations comme Doha pour un retrait des troupes adverses.
À plus long terme, ces purges anticipent les échéances, consolidant l’USN comme vecteur d’une majorité post-2028, libérée des concessions de la cohabitation « tiède » avec les anciens kabilistes.
L’ « aggiornamento » de la classe politique
Au cœur de cet « aggiornamento » de la classe politique, Tshisekedi réitère sa doctrine de centralisation progressive : une mise à jour feutrée pour marginaliser les « traîtres potentiels » – kabilistes hier, opportunistes comme Kamerhe aujourd’hui – sans heurts constitutionnels majeurs.
Fort de sa réélection à 73 % en 2023, il transforme ainsi l’USN en machine étatique de « guerre », pour contrer la pauvreté endémique et l’instabilité frontalière.
LA CENTRALISATION PROGRESSIVE DU POUVOIR: de la « cohabitation résiduelle » à la « domination hégémonique ».
Politiquement incorrect à formuler, peut être, mais étayé par la récurrence historique, cette stratégie de la centralisation progressive expose toutefois un certain risque de « retour de feu » : une mobilisation de l’opposition affaiblie ou d’alliés comme Jean-Pierre Bemba pourrait embarrasser, en écho aux tensions de 2020.
En ce 17 septembre, alors que la plénière de l’Assemblée statue sur la formation de la commission qui traitera le cas du bureau de l’Assemblée Nationale, Tshisekedi parie sur une loyauté restaurée pour propulser la RDC d’une cohabitation résiduelle à une domination hégémonique, bien nécessaire, certes, en temps de crise sécuritaire.
Eugène DIOMI NDONGALA,
Démocratie Chrétienne




