DISCOURS DE TSHISEKEDI A L’ONU : RECONNAITRE LE GENOCIDE SILENCIEUX ET ET REFORMER L’ORDRE MONDIAL
A la 80e session de l’Assemblée générale des Nations Unies, le 23 septembre 2025, Félix Tshisekedi, président de la République Démocratique du Congo, a livré un discours qui transcende le rituel diplomatique pour devenir un cri de guerre contre l’oubli et l’impunité.
Devant un parterre de leaders mondiaux, il a habilement tissé un plaidoyer pour un multilatéralisme rénové, tout en plantant un drapeau rouge sur la tragédie congolaise, qualifiée sans ambages de « génocide silencieux ». Ce n’est pas seulement un appel à la reconnaissance ; c’est une charge politique qui expose les failles du système international et repositionne la RDC comme un acteur incontournable dans les débats sur la paix africaine.
Politiquement, au niveau interne, Tshisekedi consolide son leadership en s’érigeant en défenseur intransigeant d’un peuple martyrisé. Réélu en 2023, il transforme la crise de l’Est – où plus de trente ans de violences ont fait des millions de victimes – en un récit national de résilience et de revendication.
En décrivant la RDC comme un « pays de vie, de richesse naturelle et de résilience humaine », il inverse le narratif victimisant pour projeter une image de force potentielle, entravée par des forces extérieures.
Cet appel à reconnaître le « génocide congolais » – avec ses « marqueurs d’un projet d’extermination » – n’est pas anodin : il vise à unir les Congolais autour d’une cause commune, à légitimer des mesures sécuritaires renforcées et à contrer les critiques sur l’inefficacité de son gouvernement face aux groupes armés comme le M23/AFC. C’est une stratégie aussi de mobilisation intérieure, où le silence international est dépeint comme une « complicité » morale.
Sur la scène internationale, Tshisekedi joue une partition audacieuse, alignant la RDC sur les grandes réformes de l’ONU tout en dénonçant ses hypocrisies. Il célèbre l’élection récente de la RDCongo comme membre non permanent du Conseil de sécurité pour 2026-2027, promettant de prioriser la paix et la prévention des conflits – un engagement qui résonne avec le Nouvel Agenda pour la paix de l’ONU. Mais le vrai coup de maître est son plaidoyer pour une refonte du Conseil, réaffirmant la position africaine du Consensus d’Ezulwini : des sièges permanents pour l’Afrique, avec droit de veto, pour corriger les « injustices historiques » d’un organe dominé par les vainqueurs de 1945. Ici, Tshisekedi n’est pas isolé ; il s’inscrit dans un mouvement panafricain qui conteste l’ordre mondial post-colonial, accusant implicitement les puissances occidentales de prioriser les intérêts économiques – comme l’exploitation des minerais congolais – sur la stabilité régionale.
Son discours expose les limites du multilatéralisme : face à des crises comme Gaza ou l’Ukraine, l’ONU peine à agir, et la RDC devient le symbole d’un Sud global négligé.
Le pivot central, percutant et stratégique, reste l’appel solennel à reconnaître le « génocide congolais ». Tshisekedi ne mâche pas ses mots : « Ce n’est pas seulement un conflit, c’est un génocide silencieux qui frappe le peuple congolais depuis plus de trente ans. » Il accuse, sans nommer directement, le Rwanda et ses proxies d’orchestrer une extermination systématique, dans un Est congolais ravagé par des prises de villes comme Goma et Bukavu. Cet usage du terme « génocide » est une dénonciation et un calcul diplomatique : il élève la crise au rang des horreurs reconnues, comme le Rwanda de 1994, pour débloquer des mécanismes onusiens.
Il exige une commission internationale d’enquête indépendante, des sanctions contre les auteurs de crimes de guerre et contre l’humanité, et une justice pour les victimes.
Politiquement, cela isole le Rwanda, renforce les alliances avec des pays comme l’Angola ou Tanzanie et l’Afrique du Sud.
En somme, ce discours n’est pas un simple exercice rhétorique ; c’est une offensive politique qui force le monde à regarder l’Afrique centrale en face.
Tshisekedi transforme la vulnérabilité congolaise en levier pour une reconnaissance globale, challengeant un ordre international inéquitable.
Si l’ONU répond, cela pourrait marquer un tournant pour la paix en RDC ; sinon, il risque d’alimenter un cynisme croissant envers le multilatéralisme. Dans un monde fracturé, ce plaidoyer rappelle que la justice n’est pas un luxe, mais le socle de toute paix durable.
Eugène Diomi Ndongala,
Démocratie Chrétienne.




