UNE ESCALADE DE TERREUR SYSTEMATISEE AU KIVU : QUAND LE MINISTRE SHABANI DENONCE
Au cœur de l’Est congolais, le communiqué officiel N°25/CAB/VPM/MINISRESDECAC/SLBJ/018/2025, émis le 31 octobre 2025 par le Vice-Premier Ministre Shabani Lukoo Bihango, Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité, de la Décentralisation et des Affaires Coutumières, dresse un tableau accablant d’une guerre hybride menée par la rébellion de proxy M23/AFC, dans sa province natale.
Soutenue par une ingérence rwandaise avérée – comme l’ont documenté des innombrables rapports onusiens successifs – cette coalition n’est pas un simple mouvement armé, mais un instrument de déstabilisation ethnique et territoriale, infligeant à des populations civiles une violence d’une brutalité calculée, qualifiable de crimes contre l’humanité.
Ce document, loin d’être une simple déclaration protocolaire, constitue un acte d’alerte technique et diplomatique, compilant des données empiriques sur plus de 123 assassinats et exécutions sommaires, 223 cas de viols documentés, des incendies criminels de villages entiers, des occupations illégales de terres agricoles et résidentielles, ainsi que des pillages systématiques.
Ces actes, survenus entre le 3 et le 30 octobre 2025 dans les territoires occupés de Rutshuru, Bukavu et environs, ne relèvent pas de la contingence du champ de bataille : ils traduisent une doctrine de terreur délibérée, visant la dépopulation sociale forcée, l’érosion des institutions locales et l’étranglement des secteurs vitaux comme l’éducation et la santé.
Techniquement, le communiqué déploie un arsenal factuel rigoureux pour qualifier ces exactions de violations flagrantes de l’intégrité territoriale de la RDC, en les ancrant dans un cadre normatif international implacable. Il invoque la Charte des Nations Unies, l’Acte constitutif de l’Union Africaine, la Résolution 2773 du Conseil de Sécurité de l’ONU – qui mandate une surveillance accrue des flux armés transfrontaliers –, ainsi que les Accords de Washington (entre la RDC et les États-Unis) et de Doha (impliquant le Qatar comme médiateur).
Parmi les événements les plus glaçants : des recrutements forcés à Bukavu du 14 au 28 octobre, impliquant des mineurs arrachés à leurs familles; des bombardements indiscriminés sur des zones habitées au Nord et Sud-Kivu, orchestrés par la coalition M23/AFC pour semer la panique et vider les terres riches en minerais.
Ces opérations, corroborées par des témoignages oculaires et des relevés satellitaires d’ONG comme Human Rights Watch, ne visent pas seulement à conquérir du terrain; elles appliquent une stratégie de « nettoyage ethnique inversé », où les civils – majoritairement des Nande, Hunde et Hema – deviennent des cibles prioritaires, subissant des tortures, des extorsions et des déplacements massifs qui ont gonflé le nombre de réfugiés internes à plus de sept millions depuis l’offensive de février 2025.
Cette gravité atteint son paroxysme lorsque l’on croise ces données avec les massacres récents dénoncés par une constellation d’acteurs internationaux, révélant un pattern de violence qui transcende les incidents isolés pour former un continuum de terreur.
Prenez le massacre de Bishusha, le 28 octobre 2025, à Rutshuru : seize civils, dont des femmes et enfants, ont été exécutés à bout portant par des éléments du M23, juste après le retrait des forces Wazalendo, dans un acte de représailles qui pue la coordination rwandaise.
Ou encore les tueries d’août 2025 près du Parc National des Virunga, où au moins 140 innocents ont péri sous les balles et les machettes de rebelles tutsis armés par Kigali, accompagnées de viols collectifs documentés comme armes de guerre psychologique.
Genocide Watch, dans son alerte du 30 septembre 2025, n’hésite pas à qualifier cela d’ « urgence génocidaire« , reliant ces horreurs aux flux hutus post-1994 et aux ADF – ces djihadistes affiliés à l’État Islamique qui, en septembre, ont incendié Ntoyo et massacré des dizaines à Binza, multipliant les incendies et les viols par un facteur exponentiel.
Ces actes ne sont pas des épiphénomènes : ils constituent une ingénierie sociale destructrice, où les routes minières deviennent des corridors de mort, et les villages des charniers potentiels, forçant une déshumanisation systémique qui prive les survivants de tout recours judiciaire immédiat.
C’est dans ce vortex de violence que s’inscrit la réponse institutionnelle du communiqué, qui, au-delà de sa dénonciation, active des leviers opérationnels internes pour circonscrire la contagion.
La suspension immédiate des activités de treize partis politiques – du PPRD de Joseph Kabila à l’ADC, en passant par l’UDA et le MPCR –, invoquant l’article 5 de la loi organique sur les partis, vise à neutraliser des discours potentiellement ethnicistes ou pro-rwandais qui pourraient amplifier les fractures internes.
Pourtant, il réaffirme un principe cardinal: la préservation de l’unité nationale face à une agression extérieure, invitant les acteurs politiques à un exercice responsable de leurs prérogatives constitutionnelles.
L’urgence de cette alerte ministérielle trouve un écho retentissant dans l‘action onusienne contemporaine, où la Commission d’Enquête Indépendante du Conseil des Droits de l’Homme (CDH), instituée en février 2025 suite à une résolution unanime, émerge comme un pivot technique pour la reddition de comptes. Mandatée pour cartographier les crimes de guerre et contre l’humanité au Nord et Sud-Kivu cette instance, coordonnée par Arnauld Akodjenou et nommée le 27 octobre 2025 par le Président du CDH Jürg Lauber, s’appuie sur le rapport OHCHR du 5 septembre qui incrimine toutes les parties belligérantes, y compris le M23 pour ses « opérations proxy ».
La Démocratie Chrétienne à salué cette nomination le 29 octobre, soulignant l’importance d’ un agenda global de lutte contre l’impunité.
Ce synchronisme n’est pas fortuit : il amplifie les appels du Haut-Commissaire Volker Türk à un cessez-le-feu immédiat.
La gravité des actes perpétrés par la rébellion M23/AFC contre les civils transcende le cadre sécuritaire pour interroger l’essence même de l’humanité collective.
Ces marionnettes armées pour des appétits miniers et géostratégiques – ne se contentent pas de tuer ; ils éradiquent des communautés entières, semant des traumatismes intergénérationnels qui hypothèquent l’avenir du Kivu.
Pour briser ce cycle de violence barbare, la communauté internationale doit transcender les condamnations rhétoriques pour imposer des sanctions ciblées et des renvois à la CPI.
Ce communiqué du Ministre Shabani Lukoo, un fils du Kivu, n’est pas qu’un diagnostic froid; c’est un appel viscéral à l’action, rappelant que l’inaction face à une telle barbarie n’est pas neutralité, mais complicité.
Dans l’ombre des Virunga, les échos des massacres persistent : il est temps que le monde, enfin, les entende et agisse.
Eugène Diomi Ndongala,
Démocratie Chrétienne





