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Articles de la catégorie ‘POLITIQUE ETRANGERE’

ALERTE: L’EXPLOITATION ILLEGALE DU COLTAN A RUBAYA EST LE NERF DE LA GUERRE A L’EST DE LA RDC

La Ligue Congolaise contre la Corruption (LICOCO) tire la sonnette d’alarme face à une recrudescence alarmante de l’exploitation illégale du coltan (tantale), un minerai essentiel pour l’industrie électronique, dans la région de Rubaya, territoire de Masisi, au Nord-Kivu.

Cette zone stratégique, qui représente environ 15 % de la production mondiale de coltan, est devenue un épicentre de contrebande depuis la prise de contrôle par le groupe rebelle M23 en mai 2024.

Cette organisation de lutte contre la corruption dénonce une « explosion de la production illicite » orchestrée par des réseaux armés, des entreprises étrangères – principalement chinoises – et un effondrement des mécanismes de traçabilité censés réguler le commerce des minerais stratégiques. Une production illicite en pleine explosion. Selon les estimations, la production mensuelle de tantale illégal à Rubaya aurait bondi de 150 à près de 250 tonnes, une hausse spectaculaire alimentée par l’afflux d’opérateurs étrangers. Ces entreprises, souvent basées en Chine, financent directement la collecte artisanale et la logistique d’évacuation, exploitant l’insécurité pour contourner les régulations.

Des circuits bien rodés relient désormais Rubaya à Goma, puis à Gisenyi et Kigali au Rwanda, où le minerai est mélangé à la production locale pour « blanchir » son origine et faciliter son exportation vers l’Asie et l’Europe.

Un rapport des Nations Unies de juillet 2025 souligne que cette contrebande a atteint des niveaux « sans précédent », avec 195 tonnes de coltan congolais smugglés en une seule semaine fin mars, via des convois de camions effectuant deux rotations hebdomadaires depuis Rubaya.

Cette « ruée » vers les stocks stratégiques s’explique par la crainte d’une normalisation post-conflit. Plusieurs acteurs cherchent à accumuler des réserves avant l’application de normes internationales plus strictes sur les minerais critiques, comme celles prévues par l’Union européenne et les États-Unis.

À Rubaya, la prise de contrôle par le M23 a propulsé le prix du coltan de 30 à 70 dollars le kilogramme, doublant presque les revenus potentiels pour les intermédiaires, mais au prix d’une exploitation accrue des mineurs artisanaux.

Dans les cinq jours suivant l’arrivée des rebelles, 5,44 tonnes de coltan et 3,25 tonnes de cassitérite ont été extraites, avec distribution d’outils miniers par le M23 pour stimuler la production.

Ces activités se déroulent dans un vide sécuritaire total, marqué par l’absence d’autorité étatique, une corruption endémique et des violations des droits humains, comme le travail forcé pour élargir les routes d’évacuation (pratique du « salongo »).

Les enquêtes mettent en lumière un système sophistiqué de financement du M23 via la contrebande de tantale. Le groupe impose des taxes informelles, commissions et droits de passage aux mineurs et transporteurs, prélevés en espèces ou par virement électronique au profit de relais civils et militaires loyaux. Lorsque la production illicite stagnait à 150 tonnes par mois, les revenus du M23 étaient estimés à 800 000 dollars ; aujourd’hui, avec 250 tonnes, ils dépasseraient le million de dollars mensuels.

Ces chiffres corroborent un rapport onusien de janvier 2025, qui évalue à 800 000 dollars les taxes mensuelles sur 120 tonnes de coltan à Rubaya seul, représentant la moitié des exportations congolaises de ce minerai.

Ces fonds alimentent l’armement, la logistique et la prolongation du conflit au Nord-Kivu, où le M23 contrôle désormais des hubs économiques clés comme Bunagana, Rubaya et même Goma depuis janvier 2025. Le crime organisé joue un rôle pivotal : des collecteurs, courtiers et traders affiliés au M23 orchestrent le flux vers le Rwanda, où les minerais sont déclarés comme rwandais pour contourner les sanctions.

Des routes ont été construites pour accélérer les transferts, impliquant jusqu’à 3.000 à 4.000 soldats rwandais aux côtés des rebelles, selon l’ONU.

Le Rwanda, qui a exporté 2300 tonnes de coltan en 2024 – un volume excédant largement sa production nationale –, bénéficie économiquement de cette dynamique, malgré les démentis peu credibles de Kigali.

À Goma et dans les environs, les habitants subissent de plein fouet les retombées : flambée des prix alimentaires due à l’inflation liée au conflit, effondrement des services publics, pénuries chroniques d’eau et d’électricité et une précarité accrue pour des centaines de milliers de déplacés internes.

« Chaque tonne de tantale illicite exportée est une goutte de sang congolais » , martèlent les défenseurs des droits de l’homme, dénonçant une situation moralement intolérable et humainement inacceptable.

Au cœur de cette crise trône l’échec des systèmes de traçabilité comme le Better Sourcing Program (BSP) et l’International Tin Supply Chain Initiative (ITSCI), censés certifier l’origine légale des minerais 3T (étain, tantale, tungstène).

Beaucoup d’observateurs accusent ces mécanismes de laisser circuler des cargaisons issues de zones rebelles sous leurs labels, révélant un marché noir d’étiquettes ITSCI vendues 10 dollars l’unité pour « légitimer » le coltan illégal. Des enquêtes de Global Witness, relayées en 2025, confirment ces dysfonctionnements : le mélange au Rwanda rend la traçabilité « virtuellement impossible », contaminant les chaînes d’approvisionnement mondiales.

L’ITSCI, bien qu’ayant relancé ses activités en juillet 2025 malgré l’instabilité, fait face à des critiques persistantes pour sa complaisance, privilégiant les redevances aux contrôles rigoureux.

Un plan d’amélioration 2024-2025 a été annoncé, mais des rapports comme celui d’Amsterdam & Partners en février soulignent des lacunes structurelles. Les congolais ont tout intérêt à exiger une révision indépendante de ces systèmes, la publication d’audits internes, la suspension des licences en zones non conformes et la création d’un mécanisme public associant société civile, autorités locales et partenaires internationaux.

Cet appel survient dans un contexte diplomatique tendu. Le partenariat stratégique USA-RDC sur les minerais critiques, lancé par les présidents Donald Trump et Félix Tshisekedi en mars 2025, vise à transformer les ressources congolaises (cobalt, coltan, lithium) en levier de paix et de développement, en échange d’un accès privilégié pour les firmes américaines et d’une aide sécuritaire.

Des négociations avancent, avec des étapes évoquées par l’ambassadrice Lucy Tamlyn en août, incluant un accord CEEC-BGN pour valoriser les minerais.

L’explosion de la contrebande et le laxisme risquent de saper ces objectifs, affaiblissant la position diplomatique de Kinshasa et les chaînes d’approvisionnement américaines.

Chaque mois d’inaction affaiblit la RDC et met en péril la sécurité stratégique des États-Unis, appelant à recentrer la coopération sur la légalité, la transparence et la justice.

Nous lançons un cri du cœur à la conscience nationale et internationale: une mobilisation concertée pour restaurer la paix, la légalité et la dignité dans l’Est congolais.

Des initiatives comme l’adhésion américaine au Partenariat pour le cobalt artisanal responsable en janvier 2025 montrent la voie, mais exigent une action immédiate contre la contrebande des rebelles du M23 dont le Rwanda profite largement, dans un contexte inacceptable de géocriminalité.

Eugène Diomi Ndongala,

Ancien Ministre des Mines de la RDC

Oui à la paix mais le crime organisé doit être démantelé et sanctionné, au moins par la justice transitionnelle

Le 27 juin 2025, la République Démocratique du Congo et le Rwanda ont signé un accord historique, négocié sous l’égide des États-Unis, pour mettre fin à la crise du M23 dans l’est du Congo. Retrait des troupes, désarmement, coopération.

Mais derrière les applaudissements diplomatiques se cache une réalité bien plus sombre, qui devra aussi être prise en compte maintenant, surtout à l’occasion des discussions qui se tiennent à Doha.

Le conflit est en effet gangréné par le crime organisé.

QUAND LA REBELLION DEVIENT UN BUSINESS

Oubliez l’image romantique du rebelle luttant pour une cause politique noble, à la Che Guevara, comme Nangaa ou Joseph Kabila voudraient nous faire croire…

Le M23 n’est pas une simple milice ; c’est une machine criminelle bien huilée.

En s’emparant de territoires riches en minerais, le groupe pille le coltan et l’or, transformant le chaos en jackpot : ils n’ont rien à cirer du bien être des congolais soumis à cette occupation violente, encore moins des fonctionnaires impayés ou de la bonne gouvernance.

Selon l’Atlantic Council, rien qu’en 2024, le M23 a exporté au moins 150 tonnes de coltan vers le Rwanda – de quoi représenter 7 à 10 % de la production mondiale annuelle de la RDC. Le prix humain ? Plus de 11.000 morts en 2025.

Pendant que les communautés s’effondrent, les profits s’envolent.

Ce conflit n’est plus une guerre idéologique, avec un prétendu soubassement de recherche de bonne gouvernance ; il a été détourné par des intérêts criminels. Rebelles, milices et même certains acteurs politiques se servent dans ce buffet sanglant. Et les discussions de Doha ne peuvent pas ignorer cela.

LE RWANDA, MAITRE DU JEU CRIMINEL

Et si le crime était une arme d’État ? C’est ce qu’on appelle la «GEOCRIMINALITE », concept prôné par la « Global Initiative » contre le crime organisé trans-national : l’utilisation délibérée de réseaux criminels pour servir des objectifs stratégiques.

Le Rwanda excelle dans ce domaine. En soutenant le M23, une rébellion de proxy, Kigali sécurise des intérêts économiques et impose son influence sur son voisin, tout en jouant la carte de l’innocence et de la victimisation. Les experts de l’ONU ne mâchent pas leurs mots : des milliers de soldats rwandais opèrent en RDC et des armes modernes affluent vers le M23. Le Rwanda crie au démenti, affirmant ne partager que des renseignements. Mais les preuves s’accumulent, implacables, comme celle publiées récemment par la chaine américaine NBC.

Pourquoi ce double jeu ? Officiellement, il s’agit de neutraliser les FDLR, milice hutu issue du génocide de 1994. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Les forces rwandaises, main dans la main avec le M23, ne se contentent pas de traquer leurs ennemis, dans les localités où ils seraient présents, loin de là ; elles s’emparent de mines et de terres fertiles.

Les minerais continuent d’être extraits, le coltan traverse la frontière et l’argent atterrit dans les poches de réseaux liés à l’armée et au parti au pouvoir au Rwanda.

Ce n’est pas une dérive : c’est une stratégie. Une stratégie qui déstabilise toute une région, dans l’intérêt économique d’un pays.

ÉCRASER LA DISSIDENCE, PEU IMPORTE LES FRONTIERES.

Le Rwanda ne se limite pas à semer le trouble chez son voisin. Son emprise s’étend bien au-delà, jusque dans les rues de Bruxelles (ce qui a pourri les relations avec la Belgique) ou les hôtels de Johannesburg. Paul Rusesabagina, héros du film « Hotel Rwanda », en a fait les frais. En 2020, piégé à bord d’un jet privé, il a été ramené de force à Kigali et jeté en prison sous des accusations fabriquées. Libéré en 2023 sous la pression internationale, son cas n’est qu’un exemple parmi d’autres. Human Rights Watch recense dix ans de surveillance, d’intimidations et d’attaques contre les dissidents rwandais à l’étranger. Certains, comme Patrick Karegeya, ex-chef des renseignements assassiné en 2014 en Afrique du Sud, n’y survivent pas.

La méthode est rodée : traquer, menacer, éliminer toute dissidence. Les familles restées au pays deviennent des otages pour faire taire les exilés. Les pays hôtes, souvent complices par leur silence, laissent faire. Le message est clair: personne n’échappe au contrôle de Kigali.

La récente détention au secret de l’opposante Victoire Ingabire est toujours dans cette même position de répression politique de toute voix dissidente.

LE MONDE REAGIT… MAIS TIMIDEMENT.

Le régime de Paul Kagame joue habilement entre deux visages. D’un côté, il charme les donateurs avec ses missions de paix et ses initiatives climatiques et écologiques. De l’autre, il alimente une guerre criminelle à sa porte. La réponse internationale ? Timide.

En 2025, les États-Unis et l’Union européenne ont sanctionné des figures comme James Kabarebe et Francis Kamanzi pour leur rôle dans le soutien au M23. Un signal, certes, mais bien insuffisant pour démanteler les réseaux qui prospèrent sur ce conflit.

Comment gérer un régime qui est déstabilisateur ? La solution passe par une prise en compte de la réalité géocriminelle.

Les sanctions doivent viser plus haut, identifier et toucher ceux qui s’enrichissent sur le dos des minerais volés. Sinon, elles ne seront qu’un pansement sur une plaie béante. La vraie question est là : le monde se contentera-t-il de mesurettes, ou exigera-t-il des comptes ?

LA PAIX DEMANDE AUSSI L’IMPOSITION DE LA JUSTICE, AU MOINS SOUS FORME DE JUSTICE TRANSITIONNELLE

Il ne suffit pas de retirer des troupes ou de signer des contrats miniers légaux et transparents. Il faut aussi de la justice pour les victimes, des comptes pour les puissants et un démantèlement des réseaux géocriminels qui tiennent la région en otage depuis trop longtemps, j’oserai dire depuis le tristement célèbre « Desk Congo » décrié par le rapport onusien « Kassem », depuis l’aventure de l’AFDL.

Le Rwanda prétend avoir des inquiétudes pour sa sécurité, mais cela n’excuse pas de plonger son voisin dans le chaos. La stabilité chez soi ne peut se bâtir sur l’instabilité des autres.

La géocriminalité du régime de Paul Kagame et de ses hommes de paille ne peut plus rester impunie et les discussions en cours à Doha devront aussi mettre sur la balance ce paramètre dans les discussions avec les rebelles de proxy du M23.

Eugène Diomi Ndongala,

Démocratie Chrétienne, DC

Eugène Diomi Ndongala,
Christian Democracy.