LA MULTIPLICATION DES TAXES AEROPORTUAIRES EN RDC: UN FARDEAU INJUSTE POUR LES VOYAGEURS CONGOLAIS
Dans un pays, comme la RDCongo, où plus de 60 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et où les infrastructures croulent sous le poids des ans, l’introduction récente d’une nouvelle « redevance de sécurité » de 30 dollars américains par voyageur – via un contrat avec la société SecuripPort, signé par le ministère de l’Intérieur – sonne comme une gifle supplémentaire aux Congolais.
Ajoutée au tristement célèbre Go Pass de 50 dollars pour les vols internationaux (et 15 dollars pour les domestiques), qui traîne ses chaînes depuis 15 ans malgré son institution provisoire, et à la taxe « statistique » de 5 dollars prélevée par l’Hôtel de Ville de Kinshasa à l’aéroport de N’Djili, cette cascade de ponctions atteint un seuil insoutenable.

Trop, c’est trop : ces taxes, cumulées, alourdissent un billet d’avion de près de 85 dollars rien qu’en frais annexes, transformant le voyage – vital pour le commerce, la diaspora ou simplement la survie – en un luxe prohibitif. Derrière ces chiffres se dessine un tableau accablant : une fiscalité qui écrase les citoyens au profit d’une élite gestionnaire, sans contrepartie tangible ni transparence.
Prenons d’abord cette « redevance de sécurité », baptisée ainsi pour masquer son caractère fiscal. Annoncée il y a à peine quelques jours (novembre 2025), elle s’applique à tous les passagers, à l’arrivée comme au départ, dans tous les aéroports du pays. Le contrat n°25/CAB/VPM/MININTERSEDECACI/SLBJI 4.24/2025 prévoit que 85 % des recettes reviennent directement à SecuripPort, une entreprise étrangère spécialisée dans les contrôles frontaliers, pour des services de « sécurité ».
Cette mesure, imposée sans débat public ni consultation des acteurs du transport aérien, n’est qu’une couche de plus sur un gâteau empoisonné. Elle porte le coût total des taxes par trajet à 85 dollars (30 + 55), sans que le gouvernement n’explique comment ces fonds – potentiellement des millions de dollars annuels – seront audités ou réinvestis.
De plus, cette redevance de sécurité de 30 dollars américains s’applique à tous les passagers des vols commerciaux et est prélevée à la fois à l’arrivée et au départ des aéroports internationaux en RDC.
Cela signifie que pour un voyage aller-retour, un voyageur pourrait devoir payer jusqu’à 60 dollars au total pour cette taxe seule, en plus du Go Pass de 55 dollars…
La polémique est immédiate : les voyageurs, déjà saignés, dénoncent un « Go Pass 2.0 » qui est intraçable à ce jour!
Le Go Pass, quant à lui, incarne l’archétype de l’arnaque depuis son imposition initiale. Lancé en 2010 par Kabila comme une mesure temporaire pour financer l’Infrastructure de Développement des Équipements de l’Aviation Civile (IDEF) et plus particulièrement, le pavillon « présidentiel », achevé depuis des années, il devait par la suite moderniser les aéroports congolais.
Quinze ans plus tard, il est toujours là, perçu comme obligatoire pour embarquer, générant plus de 360 millions de dollars en recettes cumulées – dont 200 millions rien qu’en 2024. Pourtant, les passagers ne voient rien : N’Djili reste un chaos surpeuplé, avec des pistes dégradées; les vols domestiques, vitaux pour relier un pays-continent, opèrent dans des aérodromes non asphaltés. Une coupure d’électricité devient un drame dans un aéroport privé de générateurs entretenus.
Les députés nationaux, excédés, ont exigé des comptes du directeur général de la Régie des Voies Aériennes (RVA), tandis que des audits révèlent une opacité totale : où va l’argent ?
Le Go Pass, initialement de 50 dollars, a gonflé à 55 , avec la taxe « statistiques » de l’Hôtel de ville de Kinshasa. C’est une ponction chronique sur les Congolais – souvent des migrants économiques ou des commerçants modestes –dans un pays où le billet d’avion est déjà l’un des plus chers au monde.
Et que dire de cette taxe « statistique » de 5 dollars, prélevée par l’Hôtel de Ville de Kinshasa depuis plus d’une décennie ? Officiellement pour financer des « statistiques d’embarquement », elle n’a jamais produit le moindre rapport chiffré ni la moindre amélioration en matière de données ou d’infrastructures locales.
Un rapport récent de la Cour des Comptes révèle que Kinshasa n’a aucun mécanisme pour tracer ces recettes collectées à N’Djili – un mystère qui pue le détournement à plein nez.
Cette taxe, comme les autres, frappe au hasard : elle cible les voyageurs kinois, déjà asphyxiés par l’inflation et le coût de la vie, sans que les fonds ne reviennent à la ville pour des routes, des écoles ou des hôpitaux.
En Afrique, les prélèvements aéroportuaires sont déjà pléthoriques – 3,5 % par billet contre 2,5 % en Europe –, rendant le continent peu attractif pour le tourisme et les affaires. En RDC, c’est pire : ces 85 dollars (plus 30$ du trajet de retour) cumulés par voyage représentent un mois de salaire pour certains travailleurs Congolais .
L’impact est dévastateur : découragement des investissements, frein à la mobilité interne, et une diaspora qui hésite à rentrer. L’opacité règne – pas d’audits publics, pas de transparence sur les contrats, favorisant les les scandales récurrents.
Face à ce dysfonctionnement, il est urgent de sonner l’alarme.
Le gouvernement doit imposer un moratoire immédiat sur ces taxes superflues, lancer un audit indépendant des fonds IDEF et RVA, et réorienter les recettes vers des infrastructures visibles.
Ces taxes opaques ne financent pas le Congo; elles le saignent.
Voyager doit être un droit, pas un privilège élitiste.
Eugène Diomi Ndongala,
Démocratie Chrétienne




