DIOMI NDONGALA:”La paix ne peut avoir comme prix le démantèlement de l’état de droit”/ LE POTENTIEL, 04/04/2009
LE RETOUR CYCLIQUE DE LA GUERRE AU KIVU AVEC CES REBELLIONS DE PROXY ONT UNE CAUSE MAJEURE: LA FAIBLESSE DU LEADERSHIP CONGOLAIS ET DE L’ETAT DE DROIT.
LISEZ CETTE INTERVIEW DU PRESIDENT DIOMI NDONGALA QUI REMONTE A AVRIL 2009 DONT LA PERTINENCE EST ENCORE ET TOUJOURS D’ACTUALITE
DIOMI NDONGALA:”La paix ne peut avoir comme prix le démantèlement de l’état de droit”
Posted in POLITIQUE by dc on the April 4rd, 2009
CINQ QUESTIONS A DIOMI NDONGALA
1. Vous n’avez cessé de dénoncer les incohérences de la politique de l’Exécutif congolais par rapport à la gestion du conflit au Kivu. Comment jugez-vous l’accord de paix qui vient d’être signé à Goma entre le gouvernement et le CNDP ?
La politique au Congo- Kinshasa souffre d’une maladie chronique : cette syndrome pernicieuse qui mine depuis des décennies les fondations de l’état congolais est le mépris que ses dirigeants manifestent envers l’Etat de droit, dans toutes ses manifestations mais plus particulièrement en ce qui concerne le respect de la Loi fondamentale de ce pays, sur laquelle est bâti tout l’appareil étatique et qui garanti les libertés fondamentales des citoyens.
J’ai eu l’occasion de lire et analyser dans les détails l’Accord signé à Goma le 23 mars entre les représentants du gouvernement congolais et ceux du CNDP et au delà de l’appréciation politique du travail de compromis abattu, certains points de cet Accord, à mon avis, portent les germes de violations graves de l’ordre constitutionnel en vigueur en RDC, après l’adoption par referendum de la Constitution le 18 février 2006.
En particulier, le projet de mise en place d’une police dite de
« proximité » – point 5.2 de l’Accord et, avant elle, la constitution « d’ unités de Police dites spéciales » point 5.5 – représentent des aspects de l’Accord de l’Hôtel Ihussi particulièrement inquiétants. En effet, l’érection de branches de police ayant manifestement une connotation « ethnique » et « politique » est clairement en contradiction avec l’article 183 de la Constitution qui prescrit, en revanche, le caractère « apolitique et nationale » du corps de police républicain de la RDC, un principe qui n’accepte pas de dérogations.
La paix ne peut avoir comme prix le démantèlement de l’état de droit.
Ce n’est pas surprenant que même le médiateur internationale, Olusegun Obasanjo, qui a supervisé cet accord en tant qu’envoyé spécial du Secrétaire General de l’Onu, puisse affirmer dans un discours tenu le 18/03/2009 à la London School of Economics and Political Science, ceci : « Dans ma longue carrière politique, je n’ai jamais rencontré un gouvernement et une armée si faibles comme ceux de la RDC » fin de citation…
C’est suicidaire pour l’exécutif congolais de miner l’état de droit pour accepter passivement les revendications d’un mouvement insurrectionnel qui a comme objectif évident l’affaiblissement du Congo en tant qu’état unitaire.
La légalité Constitutionnelle n’est pas négociable.
2. Comment jugez-vous la capacité de réaction du gouvernement Muzito face à la crise qui frappe la RDC de plein fouet ?
De toute évidence la mondialisation de l’économie, surtout dans ses excès de libre marché dérégulé, a donné lieu à un phénomène global qui est celui de la « mondialisation de pauvreté ».
La RDC est frappée par la crise mondiale surtout à cause de la forte dépendance de notre économie de l’exportation des matières premières, une faiblesse que j’appelle la « malédiction de l’économie de comptoir » qui frappe notre pays depuis sa fondation en tant qu’état indépendant.
Néanmoins, le caractère global de la crise actuelle ne doit pas être utilisé comme excuse ou écran de fumée pour cacher l’inefficacité de la politique macroéconomique actuelle.
Rien n’est fait pour atténuer l’impact de la crise économique sur les entreprises. Rien n’est fait pour atténuer les effets désastreux de l’inflation sur les couches les plus défavorisées de notre population. D’autant plus que le gouvernement en place semble encore totalement indécis sur la direction à donner à l’économie du pays surtout en ce qui concerne le doute hamlétique qui le frappe depuis deux ans: « contrat chinois » ou bien « programme d’annulation de la dette avec le FMI et la Banque Mondiale» ?
Cette indécision a un prix et celui qui paye la note est le peuple congolais qui n’a bénéficié d’aucune infrastructure sérieuse fruit de l’accord avec le consortium d’entreprises chinoises – qui ont, en revanche, déjà bénéficié de l’attribution de concessions minières – et, au même temps, les rares ressources nécessaires au besoins de base de la population se volatilisent dans le payement de la dette de la RDC.
Si l’état veut éviter la faillite et la chute libre de la monnaie nationale, le moment est venu pour le gouvernement de la RDC d’assumer ses responsabilités d’une manière claire et nette car les congolais ne peuvent continuer à subir les conséquences néfastes de l’immobilisme de l’exécutif et ses indécisions narcissistes, alors que le pouvoir d’achat de toutes les couches sociales s’effrite dangereusement.
La majorité au pouvoir semble oublier qu’après trois ans de gestion chaotique et infructueuse du gouvernement, elle n’aura aucun bilan positif à présenter aux congolais à part celui de la gabegie financière dominante dans tous le secteur de la vie nationale, les parachutes dorés payés à l’élite politique au pouvoir et aux proches de la majorité placés dans les entreprises publiques presque toutes mal gérées et réduites à la faillite, alors que les militaires au front demeurent impayés depuis trois mois au Nord Kivu et le millions de déplacés vivent toujours dans les camps de fortune dans un dénouement total et sans sécurité ni assistance.
3. Les frontières de la RDC sont de plus en plus menacées par ses voisins. Mais pourquoi cette multiplication des conflits frontaliers?
« Africanus africani lupus », on pourrait dire, en paraphrasant un proverbe latin.
La RDC est objectivement entourée de prédateurs qui profitent de la faiblesse actuelle de l’état congolais. Mais il incombe au leadership congolais de travailler immédiatement pour doter le Congo d’un appareil défensif efficace et de gérer au mieux les intérêts de l’état congolais.
Récemment le Financial Times a publié un article où des chercheurs américaines font une analyse sans pitié des faiblesses de l’état congolais et leur jugement est sans ménagement : ils arrivent à la conclusion que l’état congolais est une fiction et qu’il n’ existe pas…
Il est possible de mettre en exergue les faiblesses de l’actuelle gouvernance du Congo mais il est impossible – même à ces chercheurs « négationnistes anglo-saxons » – de nier une donnée de fond : le peuple congolais existe bel et bien.
L’affaiblissement de l’état congolais est du à la mauvaise gestion des intérêts du peuple congolais, à la mauvaise gestion de nos richesses et l’oublie de nos vraies potentialités. Les congolais les plus avertis savent que leur pays est menacé mais il est encore possible de refonder un appareil étatique fonctionnel et efficace : il faudra passer par la mise en place immédiate du premier noyau de l’armée républicaine capable d’assurer la défense extérieure de la RDC ; par des reformes structurelles de la justice, de l’administration et par une diplomatie qui ne laisse pas apparaitre éternellement la RDC comme un état sous tutelle se pliant systématiquement au bon vouloir de ses voisins, au détriment de ses intérêts vitaux.
Regardons ce qui se passe au sein des institutions représentatives nationales :
les fondations de la démocratie sont écrasées par les violations systématiques de l’état de droit. Les principes de la séparation des pouvoirs, de la responsabilité politique de l’exécutif face au législatif, du contrôle ne sont respectés et les sanctions face aux dysfonctionnements évidents de l’exécutif ne sont jamais prises, rendant chaque jour plus avancée l’entropie d’un l’état congolais à l’abandon.
4. Qu’est-ce que vous en déduisez ?
Le temps de la jouissance du pouvoir est révolu. Sans un « aggiornamento » immédiat de son programme politique, l’actuelle majorité risque de disparaitre – comme l’affaire Kamhere a bien prouvé – et d’importer avec elle ce qui reste de la démocratie post-électoral, en sacrifiant l’unité du Congo sur l’autel de la passivité irresponsable de la majorité au pouvoir.
5. Par quoi conclure ?
Cela doit interpeller le chef de l’exécutif en tant que responsable de la politique nationale face au parlement mais aussi et surtout le Chef de l’Etat, à qui incombe constitutionnellement la sauvegarde de l’unité nationale.





