LA DETTE PUBLIQUE DE LA RDC : À 16 MILLIARDS/$, UN NIVEAU GERABLE MALGRE LES DEFIS DE LA GUERRE
Récemment, le ministre du Budget de la RDC, Adolphe Muzito, a tiré la sonnette d’alarme : la dette publique totale du pays – à la fois intérieure et extérieure – s’élève désormais à environ 16 milliards de dollars américains.
Cette déclaration, faite en septembre 2025, rappelle que ce montant reste relativement modeste par rapport à l’économie congolaise, mais invite à une gestion prudente, surtout avec les coûts croissants des conflits à l’Est.
Pour mieux comprendre, tournons-nous vers l’analyse récente du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque mondiale.
Publiée en juin 2025, elle évalue le risque de surendettement comme « modéré » pour la RDC, en utilisant un cadre spécial pour les pays à faible revenu (appelé LIC DSF en anglais). En clair, cela signifie que la dette n’est pas encore un problème grave, mais qu’il faut surveiller de près les évolutions, comme une croissance économique stable à 5,1 % prévue pour 2025 et des remboursements annuels limités à seulement 2,1 % des exportations du pays. Imaginons la dette comme un prêt familial : si votre salaire est de 79 milliards de dollars (le PIB de la RDC en 2024), devoir 16 milliards représente environ 22,5 % de ce revenu – une part raisonnable, surtout si les intérêts sont bas (1,5 % en moyenne pour les prêts concessionnels, c’est-à-dire des aides à taux préférentiels de la part d’organisations internationales). En 2024, cette dette a même baissé par rapport à 2023 (de 27 % à 22,5 % du PIB), grâce à un boom dans l’exploitation du cuivre et du cobalt, qui a fait croître l’économie de 12,8 % dans ce secteur. Elle se divise en deux parts principales : environ 14,5 % du PIB pour la dette extérieure (vers des créanciers étrangers) et 8 % pour la dette intérieure (vers des entreprises locales, souvent sous forme d’arriérés comme des factures impayées sur les taxes ou le pétrole). Pour 2025, on prévoit une petite hausse à 23,2 % du PIB, mais une stabilisation autour de 23,7 % d’ici 2027 – bien en dessous des 35 % considérés comme dangereux pour un pays comme la RDC. Voici un aperçu simple des chiffres clés, pour visualiser l’évolution :

Source : FMI, Revue de l’accord FAC, juillet 2025.
Pourquoi cette dette est-elle jugée soutenable ?
L’analyse du FMI teste des scénarios « stress » : même si les prix du cuivre chutent de 30 % (à 8 000 dollars la tonne), la RDC ne dépasserait pas les limites d’alerte. Le budget du pays accuse un déficit de 3,8 % du PIB en 2025 (contre 2 % en 2024), couvert par des emprunts locaux (comme des obligations vendues aux banques congolaises) et des aides internationales. Les réserves de devises couvrent 2,5 mois d’importations, et l’inflation reste à 7 % – des signes de stabilité.
Cependant, des faiblesses existent : les recettes fiscales ne représentent que 13 % du PIB (faible mobilisation), et le pays dépend à 80 % des exportations de minerais, ce qui le rend vulnérable aux fluctuations mondiales.
Ajoutez à cela des arriérés internes (2,7 % du PIB), et on comprend pourquoi la confiance des investisseurs peut être fragile.
C’est là que les conflits armés entrent en scène, comme un poids supplémentaire sur les épaules déjà chargées de la RDC. À l’Est, des groupes comme le M23 contrôlent une partie du territoire, forçant 4,6 millions de personnes à se déplacer et paralysant l’économie locale.
Les dépenses militaires, qui étaient à 2 % du PIB en 2024 (1,6 milliard de dollars), devraient grimper à plus de 2,5 % en 2025 – déjà 1 milliard dépensé rien qu’au premier trimestre pour des hélicoptères, munitions et logistique.
Cela creuse le trou budgétaire et détourne l’argent des écoles, hôpitaux ou routes, aggravant une pauvreté qui touche 72,9 % de la population.
En 2024, les conflits ont fait perdre 900 millions de dollars en recettes fiscales, surtout dans les provinces du Nord et Sud-Kivu, où l’exploitation artisanale de l’or et du coltan est à l’arrêt. Le reste de l’économie, hors minerais (qui emploie beaucoup de monde), ne grandit qu’à 3,2 %, et une interdiction temporaire d’exporter du cobalt risque d’empirer le déficit commercial à 3,7 % du PIB.
Sans efforts pour diversifier vers l’agriculture ou les services, la dette pourrait facilement atteindre 30 % du PIB d’ici 2030 dans le pire des cas.
Heureusement, tout n’est pas noir.
Avec un revenu moyen par habitant autour de 600 dollars, ces 16 milliards représentent une opportunité : des prêts à bas coût pour moderniser les mines de manière durable ou construire des infrastructures stratégiques.
Le FMI vient justement de débloquer 261,9 millions de dollars en juillet 2025 pour renforcer les réserves, en échange de réformes comme une meilleure traçabilité des revenus miniers.
Le vrai enjeu ? La paix à l’Est.
Si elle advient, elle pourrait booster la croissance hors minerais à 5,9 % d’ici 2027, transformant la dette en moteur de progrès.
En résumé, les 16 milliards de dollars signalés par Muzito ne sont pas une catastrophe – c’est une dette modérée qui pèse peu sur l’échelle mondiale.
Mais dans le contexte de la guerre, elle demande une vigilance accrue : paix et réformes pourraient en faire un allié pour un Congo plus prospère ; sinon, elle risque de devenir un frein.
Le choix est entre nos mains et le temps presse pour que les richesses du sol profitent enfin à tous.
Eugène Diomi Ndongala,
Démocratie Chrétienne, DC




