Affaire Diomi : La ministre de la Justice à l’épreuve des faits
Affaire Diomi : La ministre de la Justice à l’épreuve des faits
Samedi 30 juin, les activistes congolais de Belgique, communément appelés « Combattants », ont manifesté dans les rues de Bruxelles. Outre des slogans hostiles proférés à l’endroit de « Joseph Kabila » et le soutien à Etienne Tshisekedi wa Mulumba, les manifestants dénonçaient l’arrestation du président du parti « Démocratie chrétienne » (DC), Eugène Diomi Ndongala.
« C’est une cabale à l’image de l’affaire Chebeya », estime Henry Muke Disuishe. L’objectif des kabilistes est d’isoler Tshisekedi. Diomi est le seul responsable politique de l’opposition qui est resté fidèle à la ligne tracée par Tshisekedi, en refusant de siéger à l’Assemblée nationale« .
De quoi s’agit-il?
Depuis le mercredi 27 juin dernier, Eugène Diomi Ndongala, député national, n’a plus été revu en public. Selon ses proches, l’homme se rendait ce jour à l’église Notre Dame du Congo, dans la commune de Lingwala, où une soixantaine d’associations et une quarantaine de partis politiques allaient parapher la « Charte » donnant naissance à un cartel pro-Tshisekedi dénommé « Majorité présidentielle populaire » (MPP). A ne pas confondre avec la « Majorité présidentielle » (MP) de « Joseph Kabila ». Pour eux, Diomi a donc été « enlevé » par des sbires du régime avant d’atteindre le lieu.
Contre toute attente, le procureur général de la République (PGR), Flory Kabange Numbi, a fait, la semaine dernière, une sortie médiatique digne d’un magistrat de l’époque stalinienne en déclarant que Diomi était accusé d’avoir eu des rapports sexuels avec deux jeunes filles mineures. Et que la « police scientifique » descendue sur le « lieu du délit », en l’occurrence le bureau de l’accusé, a pu trouver des « préservatifs ». En droit congolais, toute relation sexuelle avec une personne âgée de moins de 18 ans est qualifiée de « viol ».
Au mépris du principe de la présomption d’innocence – lequel impose que toute personne accusée d’un délit si grave soit-il est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie lors d’un procès équitable -, le PGR Kabange Numbi, dont l’inféodation au pouvoir kabiliste n’est plus à démontrer, a pris des libertés avec le secret de l’instruction en jetant en pâture l’honneur d’un homme.
On ne pourrait s’empêcher de fustiger le battage médiatique mené, via les réseaux sociaux, par des zélateurs du pouvoir kabiliste pour vilipender Diomi le traitant de « pédophile » et autre « violeur ». La cabale politico-judiciaire paraît consommée.
Une semaine après la « disparition » de Diomi, des informations alarmantes difficiles à vérifier circulent sur son sort. Pour le pouvoir, l’homme serait en fuite ou en clandestinité. Les proches de l’intéressé, eux, suspectent les responsables judiciaires et ceux de la police de « cacher la vérité ». Pour les amis de Diomi, le président de la DC ait subi un « traitement inhumain » lequel lui aurait été « fatal ». Qui dit vrai? Il incombe à la ministre de la Justice de faire éclairer l’opinion.
L’affaire Diomi est un « test » pour la nouvelle ministre de la Justice Wivine Mumba, une avocate de formation. Tout en respectant l’ »indépendance » de l’appareil judiciaire, c’est le lieu de rappeler à l’actuel chef du Département de la Justice qu’il dispose du pouvoir de donner des « injonctions positives » aux magistrats du Parquet. Ce pouvoir n’est rien d’autre qu’un « rappel à l’ordre » pour inviter ces magistrats « à faire ce que la loi leur commande de faire ».
Il est urgent que la ministre de la Justice – qui a par ailleurs les Droits humains dans ses attributions – initie des circulaires destinés à rappeler aux « hommes de loi » leur obligation de veiller au strict respect des dispositions constitutionnelles contenues dans le « Titre II » relatif aux droits et devoirs du citoyen.
Il s’agit d’interpeller les magistrats sur la dangereuse banalisation de la privation de liberté. Les Congolais sont mis aux arrêts pour tout et n’importe quoi. La prison de Makala compte actuellement plus de 6.000 pensionnaires dont plus de la moitié n’a pas été présentée devant un magistrat instructeur depuis un ou plusieurs années de « garde à vue ». Plusieurs milliers de citoyens emprisonnés ignorent donc les faits qui leur sont reprochés. Dans le même circonstance de temps, la ministre devrait initier des séminaires pour appeler l’attention des magistrats sur le rôle qui est le leur dans la promotion de la paix sociale en assurant à chaque Congolais une « égale protection devant la loi ».
Il est plus que révoltant de constater, dans ce Congo dit démocratique, que la loi est sévère ou accommodante selon que le justiciable est proche de l’opposition ou de la mouvance kabiliste. C’est le cas de Diomi Ndongala. Question : Wivine Mumba pourra-t-elle « surprendre » les Congolais en étant ce ministre de la Justice qui aura réconcilié les citoyens avec la Justice de leur pays?
Baudouin Amba Wetshi © Congoindépendant 2003-2012
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