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LE QATAR EN CONFLIT D’INTERETS ? MEDIATION NEUTRE FACE A UNE COOPERATION MILITAIRE AVEC LE RWANDA

Dans les méandres de la diplomatie africaine, le Qatar joue un rôle double qui frise l’acrobatie géopolitique.

D’un côté, Doha forme les troupes rwandaises à l’art de la guerre moderne ; de l’autre, elle tente de broker la paix entre Kigali et Kinshasa dans l’un des conflits les plus sanglants du continent. Mais cette dualité est-elle tenable ? Ou risque-t-elle d’embraser davantage l’Est de la RDC, où des millions de vies sont en jeu ?

Depuis juin 2025, l’émirat a orchestré un accord de paix historique à Washington entre la RDC et le Rwanda, sous l’œil bienveillant des États-Unis. L’objectif ? Neutraliser les groupes armés comme les FDLR – ces rebelles hutus que Kigali accuse d’être une épine dans son flanc – et lever les « mesures défensives » rwandaises en trois mois. Puis, le 19 juillet, une « Déclaration de principes » signée à Doha a réuni la RDC et le M23 – ce groupe rebelle soutenu par le Rwanda, selon Kinshasa et l’ONU – pour un cessez-le-feu et un dialogue franc.

Les 7 et 8 août, la première réunion du MECANISME DE COORDINATION SECURITAIRE CONJOINT (JSC) s’est tenue à Addis-Abeba, avec le Qatar en maestro, pour transformer ces promesses en réalité tangible. Salué pour sa « diplomatie discrète », Doha défie les vieilles puissances occidentales et mise sur ses liens économiques équilibrés avec les deux camps.

La neutralité perçue du Qatar serait son atout maître… jusqu’à ce que ses actions militaires la fissurent.

La Face Cachée : Une Alliance Militaire qui Arme les Tensions

Pendant que les diplomates toastaient à la paix, les militaires qataris affûtaient les compétences rwandaises…

Le 8 août 2025, 163 officiers et soldats de la police militaire des Forces de Défense Rwandaises (RDF) ont bouclé une formation intensive de six semaines à l’Académie de Gako. Au menu : protection VIP, tactiques antiterroristes, maintien de l’ordre et opérations urbaines, le tout co-dirigé par les forces armées qatariennes. La cérémonie de clôture, présidée par le chef d’état-major des RDF, le général MK Mubarakh, a vu la participation de Son Excellence M. Ali Bin Hamad, chargé d’affaires du Qatar au Rwanda, ainsi que de généraux rwandais et d’une délégation qatarienne. Dans son discours, le général Mubarakh a salué le partenariat avec le Qatar, soulignant l’importance de former des forces prêtes à affronter « une large gamme de menaces » pour la sécurité nationale et régionale.

Ce n’est pas un coup d’essai : un accord de janvier 2025 sur l’aviation et les échanges d’expertise pave la voie, sans toutefois financer d’armement direct. Officiellement, c’est du « renforcement bilatéral en sécurité », déconnecté des négociations. Mais dans un Est congolais ravagé par le M23 – accusé « urbi et orbi » de recevoir l’appui rwandais –, ces entraînements sonnent comme une provocation.

Du côté congolais, crient à l’hypocrisie : « Le Qatar forme ceux qui nous tuent, tout en jouant les médiateurs ? » Et si ces compétences « urbaines » finissaient par s’appliquer à Goma ou Bukavu, villes assiégées ?

Compatibilité ou Bombe à Retardement ? Le Débat qui Divise

Les optimistes y voient une force : les liens étroits du Qatar avec Kigali – investissements, intelligence, tourisme – bâtissent la confiance nécessaire pour des négociations musclées. Washington, partenaire clé, n’a pas bronché, et les accords avec la RDC équilibrent la balance. La médiation n’exige pas une virginité absolue, mais une impartialité pratique. La réunion MECANISME DE COORDINATION SECURITAIRE CONJOINT d’août en est la preuve : pas de violation flagrante, juste du renforcement défensif.

Mais les sceptiques, eux, voient rouge. En, effet, parmi les congolais, l’accusation fuse : en boostant les RDF, Doha renforce un belligérant présumé, sapant sa crédibilité auprès de Kinshasa. Amnesty International fustige déjà les accords pour ignorer les crimes en RDC, et cette coopération pourrait amplifier l’injustice.

Historiquement, un médiateur armé perd vite sa légitimité, surtout dans une Afrique où la multipolarité rime avec méfiance.

Un Pari Risqué : Paix ou Chaos Amplifié ?

Officiellement, tout colle : la coopération militaire n’entrave pas les progrès diplomatiques, alignée sur la vision qatarienne de ponts multilatéraux pour une médiation solide. Pourtant, les critiques congolaises menacent de tout faire dérailler.

Si la RDC flaire un biais, ou si ces formations servent au front, les accords s’évaporeront. Doha, avec son ambition mondiale, danse sur un fil : révolutionner la paix africaine ou l’enflammer ?

Dans l’Est congolais, où la souffrance est quotidienne (le dernier massacre denoncé par l’ONU, au mois de juillet 2025, a provoqué 319 victimes congolaises éliminées par le M23) l’ambiguïté n’a plus sa place.

Le Qatar doit choisir son camp – ou risquer de tout perdre, en termes de crédibilité de sa médiation.

Eugène DIOMI NDONGALA,

Démocratie Chrétienne

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