Aller au contenu principal

LA PAIX FRAGILE EN RDC : DES ACCORDS SANS DENTS, DES HOSTILITES QUI S’EMBRASENT

En tant que congolais, je ne peux rester silencieux face à la dégradation alarmante de la situation sécuritaire dans l’Est de notre République Démocratique du Congo. Malgré les efforts diplomatiques déployés par nos autorités nationales et soutenus par des partenaires internationaux tels que les États-Unis, la France et le Qatar, la réalité sur le terrain expose cruellement les limites de ces initiatives.

Les accords bilatéraux et multilatéraux, bien que porteurs d’espoirs initiaux- comme nous avions souligné à leur signature – se révèlent dépourvus de mécanismes contraignants essentiels pour leur application effective, laissant libre cours à une reprise des combats entre belligérants qui menace la souveraineté même de notre nation.

Même la dernière réunion du Conseil de Sécurité de l’Onu sur le sujet, demandée par les Etats Unis, est restée lettre morte.

Considérons d’abord l’accord de Washington, signé entre la RDC et le Rwanda sous les auspices américains, et la déclaration de principes de Doha, médiatisée par le Qatar.

Ces instruments diplomatiques, conçus comme des volets complémentaires postérieurs à l’échec du processus de Luanda, visaient à adresser les dimensions externes et internes du conflit. L’accord de Washington cible les tensions bilatérales avec le Rwanda, tandis que Doha s’attelle à la restauration de l’autorité étatique et à la réintégration des groupes armés comme le M23, allié à l’Alliance Fleuve Congo (AFC). Sur le papier, ces cadres paraissent robustes : ils intègrent des engagements pour le retrait des forces étrangères et la cessation des hostilités. L’espoir était permis….

Pourtant, leur implémentation défaillante révèle un vice structurel majeur – l’absence de sanctions automatiques, de monitoring indépendant et de clauses exécutoires qui pourraient forcer les parties à respecter leurs obligations.

Au cœur de cette inertie se trouve la résolution 2773 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, adoptée à l’unanimité le 21 février 2025, qui condamne fermement les offensives en cours du Mouvement du 23 Mars (M23) dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu.

Cette résolution réaffirme l’engagement du Conseil pour la souveraineté, l’unité et l’intégrité territoriale de la RDC, tout en soulignant l’urgence d’adresser les causes profondes du conflit, notamment l’exploitation illégale des ressources naturelles dans l’Est du pays – un pillage systématique qui alimente les hostilités et enrichit des acteurs externes.

Elle réitère un appel pressant à toutes les parties pour un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel, condamne les attaques contre les casques bleus de la MONUSCO et autorise cette mission à fournir un soutien logistique et opérationnel à la Mission de la Communauté de Développement de l’Afrique Australe en RDC (SAMIDRC). De plus, elle exige le retrait sans condition des forces étrangères et des coalitions rebelles du territoire congolais, tout en condamnant tout soutien extérieur au M23, y compris les flux d’armes et de financement qui perpétuent le cycle de violence. Enfin, la résolution demande au Secrétaire-Général des Nations Unies de rapporter régulièrement sur son implémentation, insistant sur le fait qu’il n’existe aucune solution militaire au conflit et appelant à une désescalade régionale concertée.

Les faits sont implacables : malgré ces dispositions claires et contraignantes sur le plan normatif, les violences persistent et s’intensifient, en violation flagrante de la résolution 2773.

Les territoires congolais, notamment Goma, Bukavu, Bunangana, demeurent sous occupation, avec une présence avérée de troupes rwandaises qui défie ouvertement les exigences de retrait inconditionnel énoncées dans le texte onusien.

Au lieu d’une désescalade, nous assistons à une reprise des affrontements entre les Forces Armées de la RDC et les groupes armés soutenus par des acteurs externes, entraînant des déplacements massifs de populations, des violations systématiques des droits humains et un pillage effréné des ressources minières – coltan, or et autres minerais stratégiques – au profit d’intérêts étrangers.

Récemment, cette reprise des combats s’est manifestée avec une acuité alarmante : le 21 septembre, les rebelles de l’AFC/M23 ont pris le contrôle de l’agglomération de Nzibira, dans le territoire de Walungu au Sud-Kivu, après des affrontements intenses contre les Wazalendo. Le 19 septembre, des combats violents ont éclaté à Kasopo dans le territoire de Masisi au Nord-Kivu, où les Wazalendo ont lancé une offensive pour reprendre la localité, tandis que les FARDC ont pilonné les positions rebelles à Bibwe, Nyenge, Chytso et Hembe. Plus tôt, le 18 septembre, les FARDC et Wazalendo ont repris Kinyaongo à Masisi et les villages de Katobi et Luola à Walikale, au prix de lourdes pertes parmi les officiers rwandais.

Ces escalades, survenues malgré les engagements de Doha et Washington, illustrent l’échec patent des mécanismes diplomatiques à imposer un cessez-le-feu effectif.

Cette inertie diplomatique est exacerbée par une prolifération d’initiatives qui, loin de se renforcer mutuellement, se neutralisent dans une concurrence stérile. Chaque processus – Washington, Doha – aspire à la primauté, diluant ainsi l’efficacité globale au détriment de notre peuple et de notre gouvernement.

Techniquement, cela traduit un échec dans la conception des accords : sans indicateurs de performance mesurables (KPI diplomatiques), sans mécanismes de vérification en temps réel via des observateurs onusiens renforcés, et sans pénalités économiques ou militaires pour les contrevenants, ces textes restent des déclarations d’intention vides.

Les belligérants, profitant de cette lacune, relancent les opérations militaires, transformant les espoirs en désillusions profondes au sein de l’opinion publique congolaise, alors même que la résolution 2773 offrait un cadre robuste pour une application forcée.

Pis encore, ces hostilités s’accompagnent de massacres récents imputés au M23, comme ceux documentés à Binza dans le Nord-Kivu entre juillet et août 2025, où plus de 300 civils, majoritairement des Hutus congolais, ont été exécutés sommairement dans les champs à l’est du parc national des Virunga. Des survivants, soignés par Médecins Sans Frontières (MSF) à l’hôpital de Rutshuru, ont rapporté des cadavres criblés de balles près de Kiseguru, désignant explicitement le M23 comme auteur de ces atrocités, qualifiées de crimes de guerre par Human Rights Watch et Amnesty International. L’ONU a condamné ces massacres de dizaines de civils, soulignant une campagne militaire contre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), mais au prix d’une violation flagrante du droit international humanitaire.

Ces actes, incluant viols et exécutions, ont touché plus de 170 civils depuis juillet, amplifiant la crise humanitaire et minant toute crédibilité aux processus de paix.

Il est impératif que notre gouvernement redouble de vigilance et plaide pour une réforme urgente de ces cadres diplomatiques.

Nous devons exiger l’intégration de mesures contraignantes alignées sur la résolution 2773 : embargos ciblés sur les armes, sanctions financières contre les soutiens aux rebelles, et déploiement accéléré de forces multinationales pour sécuriser les zones contestées et imposer le cessez-le-feu. Sans cela, la reprise des combats ne fera qu’aggraver la crise humanitaire, avec des millions de civils pris en otage dans un cycle de violence qui érode notre intégrité territoriale.

Le Congo mérite mieux qu’une diplomatie cosmétique.

Il est temps d’imposer une paix durable, ancrée dans des engagements exécutoires et inspirée des dispositions fermes de la résolution 2773, pour que nos ressources servent notre développement et non le chaos imposé de l’extérieur.

J’appelle la communauté internationale – et particulièrement l’administration Trump – à passer des mots aux actes, sous peine de complicité dans cette tragédie persistante.

Il sied de souligner que la dernière réunion du Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) demandée par les États-Unis sur la situation en République Démocratique du Congo remonte au 22 août 2025, il y a exactement un mois.

Il s’agissait d’une réunion d’urgence convoquée par les États-Unis en réponse à une escalade récente de la violence dans l’est de la RDC, impliquant notamment des attaques par des groupes armés comme le M23, qui ont causé de nombreuses victimes civiles.

Aucune réunion subséquente demandée par les États-Unis ou d’autres intervenants n’a été rapportée depuis cette date. Aucune initiative contraignante n’a été entreprise pour appliquer concrètement les accords signé, à Washington et à Doha, alors que les congolais continuent de mourir.

Eugène DIOMI NDONGALA,

Démocratie Chrétienne

Aucun commentaire pour le moment

Commentaire :