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Au Nord-Kivu, des images des massacres pour illustrer les calendriers 2015

Au Nord-Kivu, des images des massacres pour illustrer les calendriers 2015

Montage de la partie haute et basse d’un calendrier acheté par notre Observateur à un vendeur ambulant à Béni. A côté des photos de funérailles ou de familles de victimes en pleurs, on retrouve des photos de personnes ensanglantées (ici floutées par France 24).

Les villes de Béni et Butembo au Nord-Kivu ont été le théâtre, ces deux derniers mois, de plusieurs tueries qui ont fait au moins 250 morts. C’est dans ce contexte que les habitants des deux villes ont vu fleurir des calendriers pour l’année 2015 illustrés de photos de ces massacres. Une utilisation commerciale des violences qui a choqué jusqu’aux autorités.

Les calendriers ont commencé à circuler au milieu du mois de novembre dans les villes de Béni et Butembo, voisines l’une de l’autre. Au dessus du calendrier de l’année 2015, plusieurs photos de personnes ensanglantées présentées comme les victimes des massacres dans la région. D’autres images montrent l’évacuation des blessés ou les cérémonies d’hommages aux victimes.

Si la plupart des photos sont authentiques – certaines ont été publiées dans des articles sur les Observateurs de France 24 – d’autres n’ont aucun rapport avec les massacres récents et proviennent du Kenya ou du Nigéria.

En haut est écrit en swahili « Tous ensemble unissons-nous pour combattre ces ennemis et dénonçons les partout où ils seront ». La grande majorité de ces photos circulent sur les réseaux sociaux dans des groupes Facebook qui suivent l’actualité de la RDC. Photo prise par notre Observateur aujourd’hui. Les images les plus choquantes ont été floutées par France 24.

Contributeurs

« La plupart des habitants n’ont pas de connexion Internet et voyaient pour la première fois ces images »

Godo B. habite à Béni. Il a acheté un calendrier il y a deux semaines dont il nous a fait parvenir les photos.

Ces calendriers ont été commercialisés par un Congolais de Butembo. Il les faisait imprimer à Kampala, en Ouganda, pour 100 francs congolais pièce (10 centimes d’euros). Des vendeurs ambulants distribuaient la cargaison dans les rues de Béni et Butembo pour 500 francs congolais pièce (45 centimes d’euros) et se faisaient une petite marge [selon le blogueur Umbo Salama, certains étaient des étudiants qui le faisaient pour payer leurs études, NDLR].

Ces calendriers ont eu beaucoup de succès, car la plupart des habitants n’ont pas de connexion Internet et voyaient pour la première fois ces images. D’autres acheteurs estimaient que c’était une façon de rendre hommage aux victimes.

« Ce commerçant avait l’habitude de vendre des calendriers en rapport avec l’actualité du nord-Kivu »

Les calendriers ont circulé moins de deux semaines, avant que des habitants ne se plaignent des images violentes qui n’étaient pas floutées. Les autorités ont alors arrêté le commerçant en disant que c’était une ‘provocation et une apologie’ des massacres. Ils ont confisqué ses stocks et les calendriers ont été déchirés. À partir de cette date, toute personne en possession de ces calendriers était interpellée. Aujourd’hui, c’est quasiment impossible de s’en procurer.

Je connais bien ce commerçant, pour lui, il ne faisait rien de mal. Il avait l’habitude de vendre des calendriers en fonction des événements d’actualité dans la région : en début d’année, il en avait commercialisé à l’effigie du colonel Mamadou Ndala, un militaire congolais très célèbre au Nord-Kivu tué dans une embuscade rebelle le 2 janvier 2014. Mais il le faisait clairement dans un but commercial et n’a pas cherché à reverser une partie des bénéfices aux familles des victimes.

Les maires de Béni et Butembo ont interdit à la fin du mois de novembre la vente et l’affichage de toute image concernant les massacres. Selon nos Observateurs, le commerçant à l’origine de ces calendriers est emprisonné depuis maintenant deux semaines. Le secrétaire de la société civile de Béni a été retrouvé en possession d’un gros stock de calendriers et a lui aussi été brièvement interpellé avant d’être relâché la semaine dernière.

Plusieurs massacres, dont le dernier remonte au dimanche 7 décembre, ont eu lieu dans la région de Béni durant ces deux derniers mois, faisant au minimum 250 morts. Les assaillants n’ont jamais été clairement identifiés, mais les autorités congolaises accusent avec insistance la rébellion ougandaise de l’ADF-Nalu d’être derrière ces violences.

Cet article a été rédigé en collaboration avex Alexandre Capron (@alexcapron), journaliste à FRANCE 24.

un commentaire Poster un commentaire
  1. prénons conscience, pata Fès nos ailleurs aujourd’hui champ de batail

    J’aime

    9 juin 2015

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