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Chronique des palais moribonds : du Centrafrique au Faso, en passant par le Burundi et Kinshasa / The Dissident.eu

Chronique des palais moribonds : du Centrafrique au Faso, en passant par le Burundi et Kinshasa

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La Palais de Kossyam, à Ouagadougou au Burkina Faso. Photo DR

 

L’Oeil de Soiresse

Chaque mois dans les colonnes de The Dissident, découvrez l’actualité de l’Afrique à travers le regard du journaliste et écrivain belgo-togolais Kalvin Soiresse Njall.

Centrafrique : Meckassoua et l’opération « bienfaisance dans la corruption »

Lorsqu’on ne veut pas recevoir le sable du tourbillon dans les yeux, on lui tourne le dos. Au Palais de la Renaissance à Bangui, Faustin Archange Touadéra et les siens l’ont bien compris. Ils ont tourné les yeux et ont fait semblant de siffloter pour ne pas voir le véreux Abdou Karim Meckassoua mettre sur pied et exécuter son opération « bienfaisance dans la corruption ». Une opération réalisée au vu et au su de tous les Centrafricains. Mais le nouveau président Faustin Archange Touadéra a demandé à être déclaré officiellement comme étant en soins pour des problèmes de vue et d’ouïe durant tout le processus de l’élection du président de l’assemblée nationale.

Il faut dire que Meckassoua veut faire du bien à la Centrafrique même si celle-ci ne veut pas de son « bien » qu’il claironne à tout bout de champ. Il veut tellement lui inoculer le sérum du bien qu’il lui faut absolument une place de pouvoir pour y arriver. « Président », « Président », « Président ». Ce mot sonne comme un tocsin dans sa tête depuis des mois, voire des années. Après avoir échoué à la présidence de la république contre Touadéra avec un peu plus de 3% des suffrages, il se rallie très vite à l’actuel locataire du Palais de la Renaissance. Si on n’est pas le grand président, on peut devenir le petit président, celui de l’assemblée nationale. On ne sait jamais, un accident est si vite arrivé… et le pouvoir suprême peut devenir vacant. Pour cela, Meckassoua ne lésine pas sur les moyens. À tel point que les journaux centrafricains s’en émeuvent. En témoigne ce qu’en dit le journal Le Citoyen dans sa parution du 9 mai : « Le perchoir vendu aux enchères, Abdou Karim Meckassoua enlève la marchandise ».

Meckassoua a fait de la course au perchoir de l’assemblée nationale de son pays une opération de vente. Le pouvoir devait se vendre au plus offrant. Et dans ce petit jeu qu’il a engagé, il a fini par l’emporter. Pêle-mêle, on dénombre un grand banquet où un grand nombre de députés sont allés festoyer avec à la clé des enveloppes de 100 000 FCFA pour chacun d’entre eux pour « prendre le transport du retour » et ceci devant la presse présente, des clés de voitures remis devant notaires avec la prise d’engagements, etc.

Message au Palais de la Renaissance : la caractéristique principale de l’État en déliquescence est la légalisation formelle ou informelle du bordel politique. Un État déliquescent peut descendre encore plus bas, il peut devenir un État-failli : regardez du côté de la mer rouge et de la Somalie…

Burkina-Faso : le chien ne change jamais la manière dont il s’assied

Un enfant peut renier son père, mais il ne peut jamais renier les gènes qu’il lui a transmis. Il est par ailleurs difficile à l’enfant de se débarrasser de l’éducation que son père lui a inculquée, surtout si celle-ci lui a permis de coudre sa bouche de fil d’or. Au pays de la princesse Yennenga, les habitants du Faso sont en train de l’expérimenter. Il faut dire qu’au Palais de Kossyam, le président Roch Marc Christian Kaboré et ses proches, notamment Simon Compaoré et Salif Diallo ont ressorti le bréviaire politique abandonné précipitamment par leur père politique et ancien mentor Blaise Compaoré. Ce bréviaire contient toutes les astuces politiques qui ont permis au « serpent froid », au « caméléon du Faso » de se maintenir au pouvoir pendant 27 ans. Parmi toutes les règles du bréviaire, une semble être la plus imparable : le pourrissement.

Règle n°1 : en difficulté et face à des promesses à tenir et des résultats qui ne viennent pas, pourrir la situation

En arrivant au pouvoir, les anciens caciques du parti de l’ancien dictateur, le CDP, ont dû s’adapter à un nouveau vocabulaire sous la contrainte de l’ambiance insurrectionnelle : « rendre la justice sans distinction », « lutter contre la corruption », « rétablir l’État de droit », etc. S’ils utilisaient ces expressions autrefois en riant intérieurement, ils étaient obligés cette fois-ci sous la pression du peuple de les énoncer plus sérieusement. Mais qui vous a dit que le chien change sa manière de s’asseoir ? Si les expressions ont évolué, l’hypocrisie et la stratégie du pourrissement, habitudes de l’ancien régime ne les ont pas quittés.

En effet dès après l’élection, Salif Diallo, actuel président de l’assemblée nationale, promettait des résultats après 100 jours de gouvernance. Sentant le terme des 100 jours approcher sans aucun résultat probant ni à la justice, ni dans l’économie, ni dans le social, les anciens opposants opportunistes ont dégainé le pourrissement : la violence légitime qui doit être l’apanage de l’État a été délégué à des milices privées de villages et de quartiers, les « Koglweogo », ils ont fait des révélations fracassantes sur la mauvaise gestion du pouvoir de transition, la principale arme de leur communication. Ainsi les révélations se succèdent sur les actes de corruption de l’ancien Premier ministre, le lieutenant-colonel devenu général, Isaac Yacouba Zida. Des rumeurs nocives ont été lancées sur des acteurs de la société civile, notamment le Balai citoyen. Des rumeurs de collusion avec les dirigeants de l’ancienne transition circulent sur leurs leaders. Un écran de fumée pour fixer l’attention du peuple sur le passé et oublier le présent.

Règle n°2 : profiter de l’ambiance du pourrissement pour renier ses promesses

La règle est bien connue. On ne peut ajouter du désordre au désordre : il faut rétablir l’ordre même s’il faut empêcher la justice de passer. Ainsi a-t-on appris l’annulation des mandats d’arrêt contre Blaise Compaoré et Guillaume Soro le 28 avril. Au début de cette semaine, on a également appris que les nouveaux mandats sont déjà sur le bureau du juge d’instruction en charge du dossier. Toutes les erreurs ont été corrigées et le procureur près le tribunal militaire a fait ses réquisitions. Le juge d’instruction n’a plus qu’à relancer tous les mandats d’arrêt. Mais surprise : des sources judiciaires font état de remaniement au niveau du tribunal militaire. Plusieurs magistrats sont visés par cette décision. Le juge civil dans l’affaire Thomas Sankara et dans celle du putsch de septembre 2015 a été remis à son corps d’origine. On a même appris qu’il y aurait une reprise de contact entre le parti au pouvoir, le MPP (Mouvement du peuple pour la démocratie) du président Roch, et son ancien parti le CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès).

Comme on dit au Kamerun, le sang ne se perd jamais. L’enfant perdu retrouvera toujours par lui-même le chemin qui mène à la maison de son père.

Burundi : Nkurunziza, le futur cycliste

L’essence a pris la place de l’or au pays du prince Rwagasore. Il faut faire parfois plus de cinq heures de file pour pouvoir en obtenir. Évidemment l’entêtement criminel de Pierre Nkurunziza et de ses thuriféraires y est pour quelque chose. Les effets des sanctions économiques des bailleurs commencent à se faire violemment ressentir. Et comme toujours, le pouvoir burundais joue à la comédie en se mentant à lui-même. Le deuxième vice-président en charge du secteur économique a assuré dans un tweet qu’il n’y avait « pas de rupture de stock de carburant ». Il s’agit « d’une spéculation politicienne pour saboter le gouvernement du Burundi ». Un sketch politique de mauvais goût dans lequel le talent des acteurs est proche de zéro.

En tout cas, au Palais de Kiriri, on se prépare à des jours prochains douloureux. Finie la climatisation des belles voitures présidentielles, fini l’embonpoint, une commande de vélos a été faite. Même si les Rwandais sont meilleurs en cyclisme, il n’est pas question que les Burundais ne s’y mettent pas aussi. Aux grands maux, les grands remèdes. C’est ça le prix du nationalisme ethnique et morbide.

RDC : Éric Dupond-Moretti va prendre un cours de mathématiques congolaises

Kabila veut abattre Katumbi, le nouveau chouchou des pouvoirs occidentaux. En somme, leur ancien champion veut abattre le nouveau. Ces derniers l’ont bien compris et l’aident par tous les moyens. Ce n’est pas pour rien que Moïse Katumbi, après avoir entendu parler des fallacieuses accusations le rendant coupable de l’engagement de mercenaires, et après avoir vu les services spéciaux et l’armée rôder autour de sa résidence, est allé demander la protection de la Belgique.

C’est dans ce contexte qu’apparaît un nouvel acteur truculent : Éric Dupond-Moretti, avocat pénaliste français très médiatique et à l’aura internationale. En effet, Moïse Katumbi a décidé de renforcer sa défense à la veille de cette nouvelle audition, en associant à son équipe d’avocats congolais un des grands ténors du barreau français. Pour l’une de ses premières prises de parole, il a fait fort : « Nous allons harceler, sur le plan médiatique, monsieur Kabila ».

L’avocat ne connaît pas encore la chaleur de la jungle politico-judiciaire de la RDC (République démocratique du Congo). Floribert Chebeya mort, Diomi Ndongala et les militants de Filimbi et de La Lucha emprisonnés en savent quelque chose.

Au Palais de la Nation, Joseph Kabila lui prépare, avec l’aide de ses conseillers, des équations congolaises à plusieurs inconnues. On va lui montrer que gueuler en France et se faire applaudir partout, ce n’est pas comme ouvrir sa bouche en RDC. Les mathématiques à la congolaise risquent de lui donner des migraines insoutenables. Il doit se préparer le Dupond-Moretti. Il aura besoin d’aspirine à forte dose.

Kalvin Soiresse Njall

Poète, romancier et enseignant, Kalvin SOIRESSE NJALL quitte le Togo pour s’établir en Belgique en 2004. Également journaliste, et activiste des droits de l’Homme, il est coordinateur du collectif « Mémoire Coloniale et Lutte contre les Discriminations » engagé sur les questions mémorielles et de lutte contre le racisme et les discriminations.

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