IL FAUT INVERSER L ORDRE DU CALENDRIER ELECTORAL: LA PRESIDENTIELLE D’ABORD
Ceni : Un milliard de dollars US pour les élections générales. Ouf!
Est-ce le début de la fin d’une saga électorale? La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a publié, jeudi 12 février, par la bouche de son vice-président André Mpungwe Songo, le calendrier global des élections générales. Le président de la Ceni, lui, serait en Afrique du Sud. Le coût fait frémir : 1.145.408.680 USD. « Auditionné » le 21 janvier 2014 à la Commission des Relations extérieures de la chambre et du sénat du Royaume de Belgique, Apollinaire Malumalu, avait estimé le montant de l’ensemble des opérations électorales à 750.212.788 $ US. Comment est-on passé du simple au double? Que sont devenus les matériels (urnes en plastique, ordinateurs, autres kits etc.) utilisés lors des consultations politiques du 28 novembre 2011? Ne devrait-on pas commencer par auditer la Ceni? C’est trop beau pour être vrai! Jeudi 12 février, l’Agence congolaise de presse (ACP) s’est comportée en une agence de presse digne de ce nom. Dans le contexte congolo-congolais, elle a fait preuve d’une célérité plutôt inhabituelle en rapportant en un « temps record » deux « événements » survenus le même jeudi. Dans une première dépêche, l’ACP annonce la promulgation, par ordonnance présidentielle rendue publique jeudi, de la très controversée loi électorale modifiée et complétée relative à l’organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, municipales, urbaines et locales. Dans une seconde dépêche, on peut lire en liminaire : « La prochaine élection présidentielle aura lieu le 27 novembre 2016, selon le calendrier électoral global publié jeudi par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Le 13 juillet 2016, la Ceni rendra public la liste définitive des candidats à cette élection. Les résultats définitifs de l’élection présidentielle seront connus le 17 décembre et le nouveau chef de l’État élu prêtera le serment constitutionnel le 20 décembre 2016 ». Que se cache-t-il derrière cet empressement? Les législatives seront combinées avec la présidentielle. « Patriotisme » Contrairement au vote en 2006 et 2011, la Commission électorale donne préséance à la « démocratie locale » par la tenue des élections provinciales, urbaines, municipales et locales. Celles-ci sont fixées au 25 octobre 2015, suivies par les sénatoriales (7 janvier 2016) et les municipales (20 janvier 2016). L’investiture des gouverneurs de province est prévue le 21 février 2016. Pour la petite histoire, l’annonce du calendrier de la Ceni a été faite non pas par Apollinaire Malumalu mais par le vice-président André Mpungwe Songo. L’absence du président de la Ceni à un moment autant crucial que solennel a suscité des spéculations sur l’état de santé de l’intéressé. Où est-il passé? « Il est en Afrique du Sud », dit-on. La cérémonie a-t-elle été précipitée pour désamorcer les pressions socio-diplomatiques? L’avenir le dira. André Mpungwe Songo a exhorté « tout le monde au patriotisme » afin de permettre à la Ceni « d’exécuter ce calendrier et de préserver la paix ». Il a, par ailleurs, invité les « partenaires de la RDC à honorer leurs promesses ». Cette dernière phrase tranche avec l’optimisme affiché par Malumalu, cité par radio Okapi : « la Ceni a déjà convenu avec le gouvernement un plan de décaissement pour le financement des élections ». « Agenda caché » Le calendrier électoral global de la Ceni appelle au moins trois observations. Le 26 mai 2014, à Kinshasa, Malumalu de changer son fusil d’épaule en déclarant que l’organisation du scrutin municipal et local (conseillers des communes, secteurs et des chefferies) est fixée au 14 juin 2015 ; le scrutin des conseillers urbains, des bourgmestres et des chefs de secteurs pour le 29 août 2015 et enfin l’élection des maires et maires adjoints pour le 15 octobre 2015. Secundo : le coût des opérations électorales. Lors de son séjour bruxellois en janvier 2014, le président de la Ceni avait déclaré aux membres de la Commission des Relations extérieures de la chambre et du sénat belge que « le budget électoral a été arrêté à 750.212.788 $ US ». Et d’ajouter : « Le gouvernement est prêt à financer les consultations politiques au niveau local. Un montant d’un import de 9 millions $ US aurait déjà été décaissé ». S’agissant des autres scrutins, soulignera-t-il, l’exécutif national espère contribuer à hauteur de 80% de l’ensemble du budget. La main de la Ceni restait néanmoins tendue en direction des « partenaires extérieurs» afin d’obtenir le solde. Question : comment expliquer que l’enveloppe arrêtée jadis dans une monnaie aussi stable que le dollar américain soit passée, comme par enchantement, du simple au double? Est-ce pour « donner à manger » à tout le monde? Tertio : la priorité donnée aux élections provinciales et locales. Depuis son accession à la tête de l’Etat un certain 26 janvier 2001, « Joseph Kabila » ne s’est jamais soucié de la « démocratie locale ». A preuve, les élections municipales et locales ont été purement et simplement ignorées en 2006. Il en est de même lors des consultations politiques du 28 novembre 2011. « Il n’y a pas d’argent », clamait Daniel Mulunda Ngoy, alors président de la défunte « Cei ». La vocation tardive des « kabilistes » à donner préséance aux élus locaux dissimulent quelques calculs politiciens. Depuis 2006 à ce jour, quasiment tous les chefs des exécutifs provinciaux portent la double casquette de gouverneur et de président de la section provinciale du parti présidentiel « PPRD » (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie). Depuis 2001 à ce jour, tous les commissaire des districts et les administrateurs de Territoire sont nommés par « Joseph Kabila ». Ils lui doivent tout. Au ministère de l’Intérieur trône actuellement Evariste Boshab qui porte également la casquette de secrétaire général du PPRD. On le voit, la « territoriale » se trouve entre les mains des membres de la mouvance kabiliste. Il en est de même de l’armée, de la police et des « services ». « Nous devons conserver le pouvoir », avait déclaré Boshab lors du mini-congrès du PPRD, en avril 2014, à Mbandaka. Une chose paraît sûre : « Joseph Kabila » n’a pas encore dit son dernier mot. Son empressement à promulguer la loi électorale et à faire publier le calendrier électoral suggère l’existence d’un « agenda caché ». Que faire? Pour éviter une nouvelle crise post-électorale, la Ceni doit inverser l’ordre de priorité en donnant préséance à l’élection présidentielle couplée aux législatives. Ces scrutins seront suivis par le vote au niveau provincial et sénatorial. Les élections urbaines, municipales et locales seront organisées par les dirigeants de la prochaine législature. Avantages : minimiser le coût et garantir l’impartialité des pouvoirs publics. En 2006, les élections (présidentielle, législatives, provinciales, sénatoriales) ont été financées à 90% (450 millions $ US) par la « communauté internationale ». Le gouvernement congolais n’aurait apporté que 10% de l’enveloppe. A l’époque, les « nationalistes de gauche » autoproclamés n’avaient trouvé rien à redire. Lors des scrutins chahutés de 2011, « Joseph Kabila » et ses « amis » non-autrement identifiés avaient délié les cordons de la bourse. Montant estimé : 750 millions $US. Il faut espérer que la publication du « calendrier électoral global » de la Ceni aura le mérite de mettre fin à une pitoyable saga qui n’a pas grandi la « jeune démocratie congolaise ». Tout a commencé avec la publication de l’ouvrage « Entre la révision de la Constitution et l’inanition de la nation » d’Evariste Boshab. Une publication suivie par les travaux des concertations nationales et les déclarations à l’emporte-pièce des caciques de la « majorité présidentielle » de faire réviser la Constitution. Objectif : faire sauter les articles 70 et 220 qui empêchent le « raïs » à briguer un troisième mandat. « Il n’est pas intellectuellement honnête d’affirmer que la possibilité pour un dirigeant de solliciter plus de deux mandats électoraux serait assimilable ipso facto à l’avènement d’un système non démocratique », écrivait le ministre Lambert Mende en réponse à une tribune, publiée en octobre dernier dans Jeune Afrique, par la secrétaire d’Etat adjoint US aux Affaires africaines Linda Thomas-Greenfield. On notera que l’article 73 de la Constitution est violée le calendrier publié. Cette dispose impose la tenue de l’élection présidentielle dans un délai de 90 jours avant l’expiration du mandat du président en exercice. En attendant que « Joseph Kabila » décide d’exercer le ministère de la parole pour fixer l’opinion sur sa « détermination » à respecter l’alternance démocratique, il faut être un parfait naïf pour penser que l’actuel chef de l’Etat a été visité par « l’Esprit des lois » et qu’il est enfin disposé à quitter le pouvoir « de manière civilisée »… Baudouin Amba Wetshi
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