Le travail et l’emploi en RDC: une problématique de développement et pas seulement de « lutte de classe » ou bien de « négociation syndicale collective »/ EUGENE DIOMI NDONGALA

Un des facteurs fondamentaux de l’économie est certainement le travail, aujourd’hui commémoré par une fête dont voici les origines:
le Premier mai ou journée internationale des travailleurs est une journée de lutte du mouvement ouvrier instaurée par la IIe Internationale, en mémoire du massacre de Haymarket Square, comme journée annuelle de grève pour la réduction du temps de travail à une journée de huit heures.
Cette revendication fut satisfaite lors de l’entre-deux-guerres mondiales dans la plupart des pays européens industrialisés.
La fête du Premier mai devint alors une journée de célébration des combats des travailleurs, avec une connotation de promotion des négociations syndicales collectives.
Ce que nous voudrions mettre en exergue est que cette vision et revendication « historique » ne reflété pas correctement la problématique de l’emploi et du travail de la RDC.
En R.D.Congo, les problèmes qui entourent le monde du travail sont liés essentiellement à quatre problématiques de gouvernance irrésolues à ce jour:
1. le manque d’industrialisation, la faiblesse pour ne pas dire presque-inexistence de services du tertiaire et une agriculture de subsistance qui n’a pas encore atteinte même pas l’étape de la traction animale;
2. un revenu par habitant très bas, accompagné par une rémunération du travail insuffisante;
3. la faiblesse de l’instruction de base et l’absence de formation professionnelle technique;
4. l’ insuffisance de l’offre d’emploi par rapport à la demande;
5. dans le secteur public, les fonctionnaires, mal payés, ont la tendance à exiger du public des « extra » qui constituent une sorte de corruption tolérée ayant un coût social important (le coût des services publiques devient ainsi exorbitant pour les entreprises, à cause de ces charges qu ‘on appelle euphémiquement « les invisibles »).
En d’autres termes, la question du travail en RDC ne se limite aux simples revendications d’un classe ouvrière très embryonnaire, mais elle est plutôt liée aux faiblesses de « l’économie de comptoir » (exportation de matière premières brutes) qui continue à être dominante, encore aujourd’hui, au Congo-Kinshasa.
En ce qui concerne le monde paysan, l’agriculture est encore au niveau de la subsistance familiale, à cause des entraves sécuritaires, des incertitudes liées à la propriété terrière coutumière, au manque criant d’infrastructures d’évacuation des produits et l’absence d’investissement pour le lancement de l’agro-industrie (le projet dit pilote kabiliste de Bukanga Lonzo et autres fermes dites industrielles ont été un échec, à cause des détournements de fonds publics et la mauvaise gestion, ayant plus des objectifs de publicité pour l’ancien régime que des véritables objectifs de production agricole et emploi.
Sans appel d’offres, M. Matata Ponyo, premier-ministre de la RDC aurait payé une somme de 82 millions de dollars américains de l’argent public à une société créée deux semaines auparavant; le pauvre paysan congolais, quant à lui, n’ rien vu venir: ni la production de mais promise ni un travail stable…).
Réduire la question du travail au Congo – Kinshasa à la simple revendication d’augmentation du SMIG (SALAIRE MINIMAL INTERPROFESSIONNEL GARANTI) découle d’une vision simpliste du problème, surtout dans un contexte économique stagnante et caractérisé par la faiblesse de l’investissement productif.
La question de l’insuffisance d’offre du travail est strictement liée à un problème plus général de Gouvernance.
Plutôt que s’identifier passivement les revendications ouvrières de l’époque industrielle occidentelle, les congolais sont plutôt demandeurs de travail structuré, qui certainement doit être rémunéré et encadré, dans le respect du code de travail.
Néanmoins, les efforts du nouveau régime congolais devraient se concentrer dans la création d’emploi, aussi bien par le lancement de grands travaux d ‘infrastructures que par l’attrait de capitaux dans l’industrie, le secteur des services et l’agriculture.
Vu la dimension colossale de la tâche et la gravité des entraves économiques internes (manque d’eau, électricité et sécurité juridique), une vision libérale pure de l’économie ( selon le modèle du Bukanga Lonzo) ne suffira pas à lancer un développement capable de donner du travail aux millions de chômeurs congolais, qui préfèrent traverser des déserts et des mers, au péril de leurs vies, pour rejoindre l’occident et des opportunités d’emploi.
En d’autres termes, contrairement à la vision marxiste qui opposait le capitale à la force du travail, dans la situation actuelle la RDC à impérieusement besoin du mariage entre le capital et la force du travail, afin que la plus-value de la production interne puisse permettre d’augment ce scandaleux revenu par habitants qui demeure, depuis des décennies, parmi les plus bas au monde, selon les statistiques de la banque mondiale.
Egalement, promouvoir l’augmentation du salaire dans le secteur publique est certainement opportun mais si cela ne s’accompagne pas d’une véritable lutte contre la corruption, l’augmentation des charges de l’état risque de ne pas se traduire en une amélioration d’efficacité dans la prestation des services publiques fournis par les fonctionnaires.
En d’autres termes, la question du travail en RDC ne devrait pas être réduite à une simple demande d’amélioration des conditions de travail, en termes de « négociation collective », mais elle devrait être entendue et conçue comme une question strictement liée à la gouvernance du pays.
La RDC doit définitivement sortir du modèle kabiliste de gouvernance ultra-libérale kleptocratique et prédatrice, qui n’a fait qu’aggraver la fracture sociale, pour se focaliser, au contraire, sur la mise en marche effective de la « machine économique du grand Congo », dont on continue à vanter les grandes potentialités qui malheureusement ne demeurent que des projections abstraites ou bien des occasion d’enrichissement éhonté d’un petit groupe, au détriment des masses paupérisées.
La question du travail et de l’emploi sont, en RDC, des questions de développement et elles requièrent des politiques économiques et sociales de grande envergure, que le libre marché, à lui seul, ne pourra pas concrétiser:
vivement, un « New Deal » ( nouveau cours ) pour la R.D.Congo, capable de freiner l’émigration clandestine et donner un travail rémunéré à la jeunesse massivement désœuvrée, à cause de l’indifférence et la kleptocratie d’une certaine classe dirigeante face aux vraies questions de développement, requérant une vision d’ensemble de l’économie, du social et des politiques économiques du pays à l’ hauteur de la tâche immense de donner du travail à des millions de congolais désœuvrés.
Que la commémoration du la fête du travail de ce Premier mai nous offre l’occasion de suggérer au nouveau leadership progressiste congolais de mettre le Travail au centre aussi bien de son programme économique mais aussi et surtout de son plan de développement de la R.D.Congo, au moyen et long terme.
« Le travail ne peut être un devoir sans être un droit », comme l’avait si bien dit Victor Hugo.
Kinshasa, Premier mai 2019
Eugène Diomi Ndongala,
PN de la Démocratie Chrétienne,
Réflexions « Nulla dies sine linea »