Initiative Française pour les Grands Lacs : Un Tournant pour la Paix et la Prospérité de la RDC ?

Dans un paysage géopolitique des Grands Lacs marqué par une instabilité chronique, la France annonce, via un communiqué du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères daté du 20 octobre 2025, l’organisation d’une Conférence de soutien à la paix et à la prospérité, prévue le 30 octobre à Paris.
Coordonné avec le Togo, médiateur de l’Union africaine (UA), cet événement s’inscrit en marge du Forum de Paris sur la Paix et vise à catalyser un engagement international résolu.
Pour la République Démocratique du Congo, épicentre de cette crise, il représente non seulement une réponse à l’urgence humanitaire qui ravage son est frontalier, mais un levier décisif pour relancer des processus de médiation – portés par les États-Unis, le Qatar et l’UA – et pour ancrer une intégration économique régionale susceptible de forger une paix durable.
Au-delà des déclarations d’intention, cette initiative diplomatique française, ancrée dans une vision multilatérale, interroge les racines profondes du conflit et projette des impacts concrets.
Les causes de cette tourmente, qui hante la RDC depuis des décennies, forment un enchevêtrement inextricable d’héritages historiques, de rivalités géopolitiques et de dynamiques économiques prédatrices (géocriminalité rwandaise).
En 2025, cette fracture géopolitique s’est exacerbée avec l’offensive fulgurante du Mouvement du 23 mars (M23), capturant Goma et Bukavu et générant 1,7 million de déplacés internes supplémentaires, pour un total de plus de 7 millions de déplacés internes.
Géopolitiquement, le Rwanda, accusé d’appui logistique au M23, prétend defendre ses frontières contre les FDLR – qui ne constituent une vraie menace – tout en contrant l’influence ougandaise via d’autres milices ; un cessez-le-feu fragile, scellé à Doha, puis violé, illustre la précarité de la situation.
Sur le front économique, le contrôle des filons miniers – coltan, or, cobalt, dont la RDC détient 70 % des réserves mondiales – alimente un trafic illicite estimée à un milliard de dollars annuels, finançant armes et impunité.
Humanitairement, sept millions de déplacés et 25.000 morts en un an soulignent la gravité de la situation : la MONUSCO, sous-financée en ce moment, peine à contenir une insécurité alimentaire aiguë touchant 6,9 millions de Congolais. Ces facteurs, interconnectés, ont érigé une « architecture de paix bancale« , comme le déplorent les analystes de l’ONU, rendant impérative une intervention comme celle de Paris pour briser ce cycle vicieux et aussi l’aggravement de la situation en termes de graves violations des droits de l’homme enregistrées en plein processus de pais Doha-Washington.
Le soubassement de cette conférence repose sur une stratégie française affirmée : réaffirmer son leadership en Afrique francophone face à la concurrence sino-russe et atlantiste, tout en sécurisant les chaînes d’approvisionnement critiques pour la transition dite « verte » européenne.
Via l’Organisation internationale de la Francophonie et l’Union européenne , Paris se pose en facilitateur discret, saluant les accords de Luanda (2022) et de Doha (juin 2025) entre RDC et Rwanda, et complétant les médiations qatariennes.
Alignée sur l’appel de l’Envoyé spécial ONU du 13 octobre, cette initiative intègre l’UA et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Est (EAC) et nous espérons aussi de la SADC, priorisant une intégration transfrontalière qui transcende les clivages sécuritaires.
Pour la RDC, elle n’est pas un geste philanthropique isolé, mais un alignement stratégique qui valorise sa souveraineté minière et son rôle pivot dans la stabilité régionale, évitant ainsi une marginalisation face aux puissances émergentes et belliqueuses.
C’est dans ses atteintes potentielles que cette conférence révèle son tranchant diplomatique, particulièrement pour la RDC, où chaque engagement concret pourrait inverser la trajectoire d’un État fragilisé.
D’abord, sur le plan humanitaire, elle mobilisera la communauté internationale pour des corridors sécurisés et une aide d’urgence, allégeant le fardeau de sept millions de déplacés et restaurant l’accès vital à l’assistance alimentaire – un impact immédiat qui sauvera des vies et préviendra une famine généralisée dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu.
Diplomatiquement, en soutenant les négociations en cours, Paris exercera une pression mesurée sur Kigali pour un retrait effectif de ses forces, renforçant le mécanisme de vérification de Doha et favorisant un dialogue avec le M23 ; pour Kinshasa, cela signifiera une reconnaissance accrue de sa légitimité, potentiellement débloquant des fonds bilatéraux pour la réforme sécuritaire.
Économiquement, l’accent sur l’approfondissement de l’EAC-(SADC ?) – via des échanges transfrontaliers légaux – pourrait booster le PIB congolais de 10 à 15 % en canalisant les revenus miniers vers des infrastructures durables, rompant le monopole des réseaux criminels et favorisant une prospérité inclusive.
Au-delà, cet événement marquera un engagement symbolique fort : une RDC non plus victimisée, mais actrice d’une paix régionale, avec des retombées en investissements verts et en renforcement institutionnel, sous l’égide de l’UE et de l’UA.
Pourtant, ces atteintes ne seront pas automatiques ; leur réalisation dépendra d’une participation inclusive – Rwanda, Ouganda, RDC en tête – et d’engagements chiffrés, loin des « paix de façade » critiquées par les voix congolaises.
Si elle échoue, cette conférence risquerait de conforter une diplomatie euro-centrique déconnectée des réalités locales. Mais en cas de succès, elle incarnera un pivot décisif : pour la RDC, un horizon où la paix n’est plus un mirage, mais un vecteur de souveraineté et de renaissance.
Le 30 octobre, Paris ne convoque pas seulement des diplomates mais il offre- nous l’espérons – à Kinshasa l’opportunité d’un sursaut que les congolais attendent, pour sortir de la situation de « ni paix ni guerre » actuelle.




