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LE DESERT DE L’INFORMATION EN ZONE REBELLE M23

Le désert informationnel, une arme invisible dans les territoires rebelles de l’Est de la RDC : pas d’ internet libre, pas d’information indépendante, pas de liberté d’expression.

Dans l’ombre des montagnes Virunga, l’information se fait rare – non par accident, mais par design. Les territoires de l’Est de la République Démocratique du Congo sous emprise du Mouvement du 23 Mars, depuis janvier 2025, sont plongés dans un désert informationnel total.

Goma, Bukavu, Rutshuru, Masisi… : plus de 11500 km² isolés, 3,8 millions de déplacés, et un silence numérique orchestré pour asphyxier toute résistance.

Pas d’internet fiable, pas d’informations indépendantes, une censure impitoyable – et, au cœur de cette machine, un système internet rwandais qui transforme chaque connexion en piège. Cette analyse décrypte, de manière technique et incisive, comment ce verrouillage fonctionne, viole des droits humains fondamentaux et menace la paix régionale.

UN VIDE STRATEGIQUE : LES MECANISMES DU DESERT INFORMATIONNEL.

Imaginez un écosystème médiatique réduit à néant.

Depuis la chute de Goma le 25 janvier 2025, le M23 – soutenu par 3000 à 4000 soldats rwandais, selon les rapports de l’ONU – a imposé un contrôle absolu de l’information.

Plus de 25 stations de radio communautaires pillées ou forcées à diffuser de la propagande : la Radio-Télévision Nationale Congolaise (RTNC), prise d’assaut, crache désormais essentiellement des communiqués rebelles. Les ondes courtes internationales (BBC, RFI) sont brouillées sporadiquement, et les termes comme « occupation » ou « rebelles » sont bannis des ondes locales. Résultat : un monopole narratif où les rumeurs M23 – fausses alertes d’attaques, images manipulées, diabolisation du gouvernement de Kinshasa – sèment la panique, justifiant pillages et recrutements forcés (7400 civils enrôlés en septembre seul).

MAIS LE CŒUR DU PROBLEME ? L’INTERNET

Dans ces zones, la pénétration ne dépasse pas 15-20 % en milieu urbain et tombe à zéro en milieu rural.

Les infrastructures congolaises (Vodacom, Orange) sont endommagées ou taxées par les rebelles, avec des blackouts stratégiques : Goma coupée du 25 au 27 janvier, interruptions en mars et octobre pour « contrer les drones » de l’armée FARDC.

Sans data, pas d’alertes sanitaires (choléra en hausse de 40 %), pas de coordination humanitaire (OCHA retarde 30 % de ses distributions), et surtout, une résistance passive – boycotts, veillées codées, ville mortes, collaboration wazalendo – étouffée dans l’œuf.

LE PIEGE RWANDAIS : ROAMING COMME CHAINE NUMERIQUE

C’est ici que l’ingéniosité perverse du système entre en scène. Sans alternatives locales, 30% des utilisateurs à Goma et Bukavu se rabattent sur des SIM rwandaises (MTN Rwanda, Airtel/Rw), via un roaming transfrontalier depuis Gisenyi. Technique simple : le trafic est routé par les serveurs de Kigali, offrant voix, SMS et data basique à des débits anémiques (< 5 Mbps) et des coûts prohibitifs (2-3 USD/GB). Mais ce « sauvetage » est en réalité une illusion mortelle.

Le Rwanda, classé 146e sur 180 à l’Index Reporters Sans Frontières 2025 (score 35,84) de la liberté d’expression, applique sa censure maison : blocages de sites critiques (gouvernement RDC, HRW, ONU), throttling (limitation du débit ou la réduction de la vitesse d’une connexion, pas d’images) de X et TikTok depuis février, interdiction de téléchargement de VPNs via Google Play, lui aussi verrouillé.

La loi sur les cybercrimes (2021) criminalise la « désinformation » (jusqu’à 10 ans de prison), et des outils comme le logiciel espion « Pegasus » traquent les dissidents – y compris en exil. En zones M23, cela s’amplifie : flux surveillés par la National Cyber Security Authority (NCSA), avec biométrie SIM et rétention de données 10 ans. Un post « anti-occupation » ? Ca commence par un SMS de menace contre le contrevenant, après une arrestation et enfin une disparition.

90 journalistes congolais travaillant à l’Est de la RDC se sont exilés, deux assassinés en 2025 : le roaming n’est pas un pont, en réalité, c’est un filet contre les résistants.

Techniquement, c’est un throttling asymétrique : uploads limités pour bloquer preuves (photos de massacres comme les 140 exécutions hutus aux Virunga en août 2025), tandis que la propagande M23 inonde les canaux. Freedom House (score 34/100 pour l’internet rwandais) le qualifie de « surveillance pervasive » : un étau qui exporte l’autoritarisme de Kigali vers le Congo, isolant 7 millions de déplacés dans un écho de génocide numérique.

VIOLATION DES DROITS HUMAINS : LE DROIT A L’INFORMATION ET A L’INTERNET COMME FONDEMENT DE LA DIGNITE

Ce désert de l’information n’est pas seulement technique ; c’est une atteinte flagrante aux droits humains. L’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme consacre le droit à l’information comme liberté fondamentale : « Toute personne a droit à la liberté d’opinion et d’expression ; ce droit inclut la liberté de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. » L’UNESCO, pilier de cette défense, le présente comme un « édifice essentiel des sociétés du savoir inclusives », vital pour la transparence et la lutte contre la corruption.

À l’ère numérique, ce droit s’étend explicitement à l’internet. En 2016, l’ONU a reconnu que « les mesures visant à empêcher ou restreindre l’accès à internet violent les droits humains », le qualifiant de droit fondamental découlant de l’article 19.

L’accès à internet n’est pas un luxe : c’est un droit de la personne, pierre angulaire du développement durable et de la participation citoyenne, comme l’affirme l’ONU.

Bloquer l’internet, censurer les flux via des proxies rwandais : c’est priver les Congolais de leur dignité, de leur voix, de leur pouvoir de résister.

Dans les Kivus, ce n’est pas une panne ; c’est une violation systématique, un désert informationnel qui isole et divise pour mieux régner.

IMPACTS : UNE PAIX HYPOTHETIQUE, UNE GUERRE SILENCIEUSE

Ce désert de l’information amplifie les divisions ethniques (Hutu vs. Tutsi), justifie l’exploitation minière (coltan, or), et paralyse l’humanitaire. Sans info indépendante, les rumeurs provoquent justices populaires et fuites massives (de Minova à Kalehe en janvier). L’internet, censuré, devient un vecteur de haine plutôt que de cohésion.

Au-delà de l’isolement interne, une invasion numérique asymétrique aggrave l’abus : des influenceurs, communicateurs rwandais et pro-rebelles – y compris des journalistes figurant sur les listes de paie du M23 – inondent les réseaux congolais de fausses informations, alors que les populations des zones occupées n’ont accès qu’à la communication rebelle.

Accusés de recevoir des fonds directs de Kigali pour propager un narratif victimisant le Rwanda et légitimant l’occupation, ces acteurs (comme des figures bien connues dont des journalistes pro-M23 sur X et TikTok) diffusent des campagnes coordonnées de désinformation, semant la confusion et délégitimant toute résistance. Kinshasa dénonce une « campagne de mensonges » orchestrée par des journalistes rwandais et des proxies, forçant les médias congolais à choisir un camp.

Ce double jeu – priver les populations occupées de vérité tout en polluant l’espace informationnel libre global – est une violation éhontée du droit à l’information, transformant l’internet en outil de manipulation hybride qui perpétue le chaos en RDCongo.

BRISER LE SILENCE : VOIES TECHNIQUES D’ÉVASION

Pour contrer cela, des solutions hybrides pourraient émerger : Starlink, autorisé en RDC depuis mai 2025, promet 100 Mbps via kits portables. Une Exemption humanitaire (comme en Ukraine) pourraient déployer 100-500 antennes gratuites via ONU-MONUSCO, ciblant cliniques mobiles ou bien les camps des réfugiés ou bien les communautés rurales. Faisable ? Oui, si un plaidoyer de la diaspora pourrait s’en approprier, par exemple, en exerçant des pressions sur SpaceX pour un « corridor numérique neutre » et « humanitaire ».

CONCLUSION : L’INFORMATION, UNE EXPRESSION DE NOTRE SOUVERAINETE

Le désert informationnel de l’est congolais n’est pas une fatalité technique – c’est une arme hybride, rwandaise en son cœur, qui prive 3,8 millions d’âmes de leur droit à l’information et à l’internet, fondements de la personne humaine.

Sans médias indépendants, la censure totale forge une occupation totale, même de la pensée. Pourtant, comme l’Ubuntu nous l’enseigne, « je suis, parce que nous sommes ».

L’assistance humanitaire doit certes couvrir les besoins primaires des congolais de l’ Est de la RDCongo, mais il ne faut pas oublier le DESERT INFORMATIONNEL et la censure inhumaine dans laquelle ils sont plongés.

Il revient aussi au gouvernement de la RDC de mettre en place des stratégies pour couper ce blocus de l’information et raviver la flamme de la résistance non violente, qui anime beaucoup de congolais de l’Est, lesquels ont besoin de ne pas se sentir abandonnés par leur mère patrie.

Un lancement aérien de flyers de soutien sur Goma et Bukavu, adressés aux populations des territoires occupés, serait un bon commencement, un petit geste symbolique, pour rallumer la flamme.

Eugène Diomi Ndongala,

Démocratie Chrétienne

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